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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 10

Le mardi 23 novembre 1999
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 23 novembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Laurence Decore Le décès de Delia Grey

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, au cours des deux dernières semaines, l'Alberta a perdu deux citoyens qui ont laissé leur marque et ont été un exemple de dévouement et d'engagement non seulement pour les Albertains, mais également pour l'ensemble des Canadiens. En effet, l'aînée métisse Delia Grey et l'ancien maire d'Edmonton, Laurence Decore, ont tous deux terminé leur cycle sacré de vie.

Delia Grey est née dans le nord de l'Alberta en 1917, mais a grandi dans la région de St-Albert. Laurence Decore est né à Vegreville, en Alberta, en 1940 et a grandi à Vegreville, Ottawa et Edmonton. Ces deux leaders ont emprunté des sentiers différents certes, mais, chacun à sa manière, ils ont contribué au mieux-être des peuples autochtones et des nouveaux venus qui se sont installés ici pour réaliser leurs rêves.

Laurence a été un membre loyal du Parti libéral de l'Alberta et du Canada qui a lutté pour le droit et la possibilité pour tous de faire partie de la mosaïque canadienne.

Delia a été une citoyenne loyale et dévouée de la nation métisse et du Canada qui a oeuvré sans relâche pour les Métis et les peuples des Premières nations afin qu'eux aussi puissent réaliser leurs rêves et faire partie de la mosaïque canadienne.

Les défis que ces deux personnes ont su relever avec courage sont trop nombreux pour les énumérer tous ici, mais j'atteste devant vous, honorables sénateurs, à la fois des changements qui ont été rendus possibles grâce à l'oeuvre de ces personnes et de leur vie de dévouement consacrée au service de leurs concitoyens. Leur sagesse, leur gentillesse et leur générosité seront regrettées par tous ceux et toutes celles qui les ont rencontrés sur leur route, mais l'héritage qu'ils nous laissent se perpétuera dans nos enfants et notre histoire. Nous devrions célébrer leur vie et exprimer le bonheur que nous avons eu de les connaître tous deux. Ils nous manqueront.

[Français]

L'examen de la politique étrangère du Canada

Le cinquième anniversaire du dépôt du rapport final du comité mixte spécial

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ce mois-ci marque le cinquième anniversaire du dépôt du rapport final du comité mixte chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada. Ce rapport contenait près d'une cinquantaine de recommandations concernant des sujets aussi vastes que la contribution au développement durable, le renforcement de la sécurité commune en passant par le renouvellement de l'aide internationale.

Dans une lettre que j'adressais au ministre des Affaires étrangères, l'honorable Lloyd Axworthy, le 2 novembre dernier, je demandais au ministre une mise à jour ainsi que les mesures concrètes prises par le ministère depuis le dépôt de ce rapport. Sans avoir encore reçu une réponse, il appert que l'assainissement des finances publiques a considérablement réduit l'aide extérieure canadienne aux pays en voie de développement. Alors que le comité recommandait de stabiliser le budget à l'aide publique au développement à 0,7 p. 100 du PNB, ce ratio est passé de 0,45 p. 100 en 1991 à 0,26 p. 100 pour l'exercice financier 1999-2000.

Un second aspect cher au comité était la promotion et le rayonnement de la culture et du savoir canadiens. C'est la première fois qu'une révision aussi sérieuse portait sur ce sujet. Le Canada fait figure de parent pauvre, si l'on considère les maigres investissements faits à ce chapitre par le gouvernement canadien.

En attendant une réponse du ministre, qui me permettra d'évaluer le travail du ministère des Affaires étrangères au cours des cinq dernières années, je voulais souligner le travail sérieux accompli par ce comité.

[Traduction]

(1410)

La politique d'intégration forcée des agriculteurs ukrainiens dans les kolkhozes agricoles de l'ex-Union soviétique

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, il y a environ 67 ans, un événement terrible et très triste a changé pour toujours la vie de la population ukrainienne. C'est en 1932-1933 que le leader soviétique Joseph Staline, en vue de contraindre les millions d'agriculteurs ukrainiens à passer à l'agriculture collective soviétique, a adopté, de façon démoniaque, plusieurs tactiques visant à installer une famine politique.

Il a adopté des mesures telles que la hausse des quotas d'approvisionnement céréalier en Ukraine à 44 p. 100, afin de créer une pénurie extrême de céréales et d'entraîner l'incapacité des paysans ukrainiens de se nourrir, la mise en place d'un système de passeports internationaux destiné à limiter les déplacements des Ukrainiens à la recherche de nourriture, l'exécution de toute personne surprise à prendre ou à cacher des céréales dans un kolkhoze, la persécution de milliers d'intellectuels, d'écrivains et de chefs ukrainiens et l'assaut à l'aide de tanks et d'artillerie de villages habités par des agriculteurs sans défense. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures politiques horribles prises par le leader soviétique Joseph Staline et par son homme de main Lazar Kaganovich en vue d'écraser la volonté de résistance de l'Ukraine.

Malgré les efforts considérables déployés pour cacher ou effacer l'atrocité de cette famine politique, des universitaires émérites ont recueilli des preuves concrètes qui permettent d'évaluer à environ 10 millions le nombre de victimes du génocide. Il est regrettable que le monde occidental n'ait pas reconnu ou compris l'ampleur du génocide lorsque l'Union soviétique existait encore. Les dirigeants actuels du Kremlin ayant reconnu cet événement historique atroce, ce dernier doit être compris et commémoré.

Cette horreur est décrite de façon poignante dans un ouvrage intitulé: I Chose Freedom de Victor Kravchenko, un agent communiste affecté à la garde de la nouvelle récolte. Il écrit:

Ce que j'ai vu ce matin-là était si horrible qu'il n'y a pas de mots pour le décrire. Sur un champ de bataille, les hommes meurent rapidement, ils se défendent [...] Là, j'ai vu des gens mourir seuls, à petit feu, dans des douleurs atroces et sans le réconfort de s'être sacrifiés pour une cause. Ils avaient été pris au piège et laissés chacun chez lui à mourir de faim, conformément à une décision politique prise dans une capitale très lointaine, autour de tables de conférence et de banquet. Ils n'avaient même pas la consolation de l'inévitabilité pour soulager l'horreur.

Je sais que les sénateurs dans cette Chambre sont d'ardents défenseurs de la cause des droits de la personne ainsi que de la dignité et de la valeur de tous les êtres humains. Je vous encourage donc, honorables sénateurs, à vous joindre ce soir au Congrès ukrainien canadien et au Groupe d'amitié Canada-Ukraine afin de rendre hommage aux victimes du génocide par la famine orchestré en Ukraine en 1932-1933. Vous avez reçu un avis à vos bureaux, mais je vous rappelle que cet événement aura lieu ce soir à 19 h 30 dans l'édifice du Centre, pièce 237-C. Je suis sûre que les honorables sénateurs profiteront de cette occasion pour rendre hommage aux victimes de la famine.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 24 novembre 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile

Première lecture

Son Honneur le Président pro tempore informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 25 novembre 1999.)

L'Association parlementaire Canada-Europe

Réunion de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 21 mai 1999-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la délégation canadienne à la réunion de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux du Conseil de l'Europe, tenue le 21 mai 1999 à Paris, en France.

Réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenues le 18 juin et du 21 au 25 juin 1999-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la délégation canadienne aux séances de la commission des questions économiques et du développement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenues au siège de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à Paris, le 18 juin, ainsi qu'à la session plénière de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenue à Strasbourg, en France, du 21 au 25 juin 1999.

Réunion de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenue du 20 au 25 septembre 1999-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la délégation canadienne à la session plénière de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenue à Strasbourg, en France, du 20 au 25 septembre 1999.

Réunion de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tenue le 25 août 1999-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la délégation canadienne à la réunion du comité permanent des parlementaires de la région arctique tenue le 25 août 1999 à Mourmansk, en Russie.

(1420)

Agriculture et forêts

Avis de motion autorisant le comité à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada; et

Que le Comité fasse rapport au plus tard le 29 juin 2001.

Avis de motion autorisant le comité à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts au Canada; et

Que le Comité fasse rapport au plus tard le 29 juin 2001.

Avis de motion autorisant le comité à engager du personnel et à se déplacer

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés; et

Que le Comité soit autorisé à se déplacer à travers le Canada et à l'étranger aux fins de tels examens.

Avis de motion autorisant le comité à permettre la diffusion de ses délibérations

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

Peuples autochtones

Commission royale sur les peuples autochtones-Avis de motion autorisant le comité à étudier les recommandations relativement à la fonction gouvernementale autochtone et à appliquer les mémoires reçus et les témoignages entendus durant la première session

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi, le 24 novembre 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (Document parlementaire no 2/35-508) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et, plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes:

  1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvernement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
  2. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
  3. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles;
Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le comité sénatorial permanent des peuples autochtones durant la première session de la trente-sixième législature soient déférés au comité;

Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 16 décembre 1999, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final et ce, jusqu'au 24 décembre 1999; et

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Privilèges, Règlement et procédure

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat-L'objet des réunions

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au sénateur Austin, président du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Dans les Journaux du Sénat du 18 novembre, à la page 128, le sénateur Pépin, au nom du sénateur Austin, a proposé, appuyé par le sénateur Mercier, la motion suivante:

Que le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure soit autorisé à siéger à 16 h 30 les mardis, même si le Sénat siège, de maintenant à la fin de décembre 1999, afin que le Comité puisse étudier les questions de privilège...

Honorables sénateurs, j'ai reçu aujourd'hui un ordre du jour. Son expéditeur n'est pas identifié, mais je sais qu'il concerne le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure qui doit se réunir aujourd'hui, le 23 novembre, à 16 h 30. Cinq questions figurent à l'ordre du jour, dont quatre n'ont rien à voir avec la question de privilège. Le Sénat a autorisé le comité à siéger en concomitance uniquement pour qu'il puisse étudier les questions de privilège. La présidence du comité pourrait-elle nous donner des explications à ce sujet et veiller à ce que les instructions du Sénat soient observées par les siens?

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, l'ordre du jour du comité a été envoyé par le greffier du comité et je n'en ai pris connaissance qu'à midi. Je puis assurer les sénateurs que nous commencerons par la question de privilège soulevée par le sénateur Andreychuk, suivie de celle soulevée par le sénateur Kinsella.

Toutefois, j'avais espéré que nous pourrions prendre une trentaine de secondes de notre temps cet après-midi pour autoriser la renonciation aux droits en ce qui concerne la demande présentée par l'Église morave d'Amérique. Aucun membre du comité n'éprouve de problème à cet égard. L'Église morave d'Amérique a réglé ses droits à l'occasion de la dernière session et souhaite faire comme si ces droits avaient été payés. Elle ne veut pas être obligée de payer deux fois parce qu'il y a deux sessions du Parlement. Si personne ne s'y oppose, cette question exigera moins d'une minute de temps du comité cet après-midi. Le comité sera ensuite libre de traiter exclusivement des questions de privilège avant de retourner à la Chambre pour obtenir d'autres directives.

Le travail

La situation critique des sans-abri-La position du gouvernement

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon des informations, le Cabinet étudie présentement une proposition prévoyant une dépense de 1,2 milliard de dollars ou de 200 millions de dollars par année pour lutter contre l'itinérance. Le printemps dernier, le gouvernement a confié à la ministre du Travail le mandat de trouver une solution et elle était censée élaborer une stratégie dans le mois suivant. C'était le printemps dernier. L'hiver frappe à nos portes. Le leader du gouvernement peut-il dire au Sénat quand exactement le Cabinet sera prêt à présenter un plan relatif à l'itinérance et à le mettre en oeuvre?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur d'avoir posé cette question. C'est manifestement un problème qui prend des proportions sérieuses partout au pays et qui a beaucoup retenu l'attention du gouvernement. La ministre du Travail s'est déplacée d'un bout à l'autre du pays pour tenter de rapprocher le gouvernement des administrés et d'obtenir leurs commentaires concernant l'exécution de son mandat.

Comme le savent les honorables sénateurs, pour venir à bout du problème comme il convient, il faudra vraisemblablement des ressources supplémentaires. Les ressources nécessaires seront établies dans le cadre du processus budgétaire normal.

Le sénateur Cohen: Honorables sénateurs, je suis bien au courant du nombre de milles que la ministre a parcourus dans le pays. Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que le besoin s'impose maintenant, avant que la neige commence à tomber. Pourquoi aucun plan n'a-t-il encore été adopté, en novembre, en vue de garantir des abris pour l'hiver?

Le sénateur Boudreau: Je ne voudrais pas laisser aux honorables sénateurs l'impression qu'aucune mesure ne sera adoptée cet hiver. Je crois comprendre, honorables sénateurs, qu'à ce stade-ci, c'est un problème important qui a été soulevé par la ministre du Travail, et je m'attends à ce que d'autres mesures puissent être annoncées sous peu.

Les pêches et les océans

Les provinces Maritimes-Les précisions sur la décision de la Cour suprême confirmant les droits de pêche des autochtones

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat sur l'affaire Marshall. Le ministre se rappellera que la décision initiale a donné lieu à quelque confusion. En dépit des précisions qui ont été données, le ministre des Affaires indiennes, Robert Nault, maintient toujours que les droits autochtones issus de traités s'appliquent aux ressources naturelles. Le leader du gouvernement au Sénat est conscient des conséquences de cette décision ou de cette position. Le ministre dirait-il au Sénat si c'est là la position du gouvernement également?

(1430)

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les précisions que la Cour suprême a données ont généralement été considérées comme utiles par la plupart des parties. La Cour suprême a précisé son propre jugement, ce qui est fort rare, semble-t-il. Dans la mesure où elle a jugé qu'il convenait d'apporter des éclaircissements, cela a été très utile.

Selon moi, les juges ont dit qu'ils voulaient que leur jugement s'applique aux questions qui leur ont été soumises et qu'ils n'étaient pas prêts à en étendre l'application dans d'autres domaines. Je ne crois pas qu'ils aient exclu ces autres interprétations. Ils se sont bornés à dire qu'il ne fallait pas, par extrapolation, appliquer leur décision à des circonstances autres que celles qui sont visées par elle.

À l'heure actuelle, le gouvernement se conforme à ce jugement, et la clarification que la Cour suprême a apportée sera d'un grand secours pour les discussions qui sont en cours et qui, espérons-le, produiront des résultats positifs.

Les affaires indiennes et le Nord canadien

Les provinces maritimes-Les précisions sur la décision de la Cour suprême confirmant les droits de pêche des autochtones-Les propos du ministre

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, comme le leader du gouvernement au Sénat le sait, le ministre Nault a tenté d'intervenir dans le processus et de se mettre en évidence à l'échelle nationale - et je choisis mes mots avec prudence - en s'y insinuant peut-être un peu trop. Étant donné qu'il a créé l'impression que le Cabinet appuie l'idée que le jugement étend le droit ancestral à plusieurs autres ressources, et étant donné que le leader siège à la table du Cabinet, il voudra peut-être faire comprendre à ses collègues du Cabinet qu'il faudrait ramener au pas ce clone de Doug Young et l'obliger à se conformer à la position du Cabinet. Les problèmes s'aggraveront dans la région de l'Atlantique si ce clone - et j'emploie ce mot avec prudence - poursuit dans la voie de la destruction des ressources de la région de l'Atlantique.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'espère que le sénateur Comeau me pardonnera si je transmets son sentiment général au ministre en des termes un peu plus modérés.

Je n'ai pas entendu directement ses propos, mais le ministre voulait peut-être dire que toute la question autochtone est plus vaste et ne se réduit pas à un secteur particulier des ressources.

Je crois que la clarification apportée par la Cour suprême s'est révélée utile pour résoudre ce qui constitue un problème très immédiat dans le secteur de la pêche. J'espère donc que l'on parviendra à résoudre le problème lorsque le représentant du gouvernement en la matière rencontrera les diverses parties intéressées du monde de la pêche, y compris les représentants autochtones dans la région de l'Atlantique. Il faut espérer que cela puisse bien augurer de la solution d'autres problèmes en suspens concernant les autochtones.

Les affaires étrangères

Le Soudan-Le rôle de la société Talisman Energy-La position du gouvernement sur l'opposition entre la plateforme de la sécurité humaine et les intérêts des investisseurs

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle fait suite en réalité à une question que j'ai posée la semaine dernière à l'honorable ministre concernant la société Talisman Energy, de Calgary.

Ce matin même, la couverture médiatique continue de la situation révèle que des actionnaires de Talisman, notamment un groupe représentant des fonds de placement et des fonds de pensions de congrégations religieuses, font pression depuis un an sur la société pour qu'elle étudie les conséquences sociales et économiques de sa présence au Soudan. Dans un article publié aujourd'hui dans la section «Opinions» du Globe and Mail, Tim Ryan, un prêtre catholique qui est depuis longtemps actionnaire de Talisman, décrit les efforts déployés pour amener cette société d'énergie, ainsi que toutes les sociétés canadiennes, à assumer le rôle d'intervenants responsables dans l'économie et à adopter un code des droits de la personne.

Le gouvernement est-il prêt à protéger les intérêts des actionnaires canadiens si la mission d'enquête tant attendue révèle que la présence de Talisman Energy Inc. au Soudan contribue directement à la violation des droits de la personne dans ce pays?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de continuer à suivre ce dossier. Comme je l'ai dit la dernière fois, l'enquête se poursuit et j'espère être en mesure d'en faire rapport au Sénat dès que j'aurai toute l'information. Je m'engage à le faire.

Quant à savoir si le gouvernement canadien prendra des mesures pour protéger les actionnaires, je ne suis pas certain de comprendre ce que l'honorable sénateur entend par là. S'il pouvait me donner plus de précisions sur le genre de mesures qu'il considérerait appropriées, je pourrais peut-être lui donner une réponse.

Le sénateur Oliver: Selon M. Ryan dans l'article du Globe and Mail, le président de Talisman aurait demandé: «Pourquoi nous?» Ce à quoi, toujours selon M. Ryan, un groupe d'actionnaires aurait répondu:

... ce que nous demandons à Talisman nous essayons systématiquement de l'obtenir de toutes les sociétés: un code de conduite exhaustif couvrant les droits conventionnels de la personne ainsi que les normes reconnues en matière sociale, environnementale et de travail, des repères appropriés permettant de mesurer le respect de ces engagements et un système de vérification crédible du rendement de la société.

Le sénateur Boudreau: En ce qui concerne la société même, j'ai déjà dit aux honorables sénateurs que, si l'enquête confirmait les très graves allégations dont elle fait l'objet, il est évident qu'il faudrait envisager de prendre des mesures contre cette dernière, ou contre toute autre société se trouvant dans une situation similaire.

En ce qui concerne des mesures précises que le gouvernement du Canada pourrait prendre au nom des actionnaires pour protéger leurs intérêts financiers ou pour ordonner à la société de prendre certaines mesures, je ne sais toujours pas au juste ce que propose le sénateur.

Le sénateur Oliver: Les actionnaires ont dit que certaines mesures qu'ils voudraient voir pour assurer la protection des droits de la personne et d'autres droits sont déjà inscrites dans des conventions approuvées sur le plan international, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme, les conventions de Genève, les conventions de l'Organisation internationale du travail et la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Ils demandent que soient appliquées ces conventions et déclarations dont le Canada est signataire.

Le sénateur Boudreau: En ce qui a trait aux actions de quelque société que ce soit, nous devons insister sur le respect de certaines normes de conduite. Les allégations soulèvent de graves questions, entre autres, si cette société a respecté ou non ces normes. Si une enquête et un rapport montrent qu'elle ne l'a pas fait, le gouvernement envisagera de prendre des mesures contre elle.

De toute évidence, les actionnaires de toute société du secteur privé constituent un groupe puissant, et la direction court des risques si elle fait fi des directives qu'ils peuvent lui donner. Je crois qu'il est tout à fait légitime pour les actionnaires de procéder de cette façon. Que certains actionnaires décident ou non de donner certaines directives au conseil d'administration, le gouvernement du Canada entend mener son enquête jusqu'au bout et, compte tenu des conclusions de cette enquête, il envisagera de prendre les mesures appropriées contre la société.

Les finances

La politique du gouvernement sur la hausse des taux d'intérêt

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, les taux d'intérêt ont lentement augmenté ces derniers mois, au moment où la Banque du Canada tente de juguler l'inflation. Il y a six ans, le 23 septembre 1993, le Globe and Mail rapportait que, au dire du chef du Parti libéral, Jean Chrétien, un gouvernement libéral dirait au gouverneur de la Banque du Canada, John Crow, d'accorder une plus grande attention à la création d'emplois, au lieu de se laisser obséder par l'inflation. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il ferait si M. Crow n'était pas d'accord, M. Chrétien a répondu: «Je vous dis qu'il est un fonctionnaire du gouvernement.»

(1440)

Ma question est celle-ci: si les taux d'intérêt continuent de monter, le premier ministre a-t-il l'intention de s'en tenir aux observations qu'il a faites durant la campagne électorale en 1993 et de dire au gouverneur de la Banque du Canada de ne pas trop se préoccuper de l'inflation ou aurait-il plutôt l'intention de respecter l'indépendance traditionnelle du gouverneur?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, notre gouvernement a toujours respecté le rôle du gouverneur de la Banque du Canada. Ce faisant, nous devons féliciter le gouverneur Thiessen. Je pense qu'il a réussi de façon remarquable à trouver l'équilibre voulu. La chose la plus importante dans les actions du gouverneur d'une banque centrale est de parvenir à l'équilibre approprié dans des circonstances données. Il y est parvenu fort bien et, parfois, alors que des pressions énormes s'exerçaient sur lui. Alors que les événements dans d'autres régions du monde se précipitaient, il a été en mesure de maintenir le cap et, en fait, de créer une conjoncture qui a permis à notre économie de connaître une bonne croissance et de poursuivre sa croissance à un rythme remarquable. Notre taux de croissance a été presque sans équivalent dans n'importe lequel des grands pays industrialisés.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, j'en conclus alors que nous devrions autant croire les observations du premier ministre au sujet du gouverneur de la Banque du Canada que celles qu'il a faites sur la TPS.

Compte tenu de ce que le leader a dit sur le gouverneur Thiessen et sur le respect de l'indépendance de la Banque du Canada et de ce que le chef du Parti libéral a déclaré en 1993, je voudrais demander ceci: en quoi la politique du gouverneur Thiessen diffère-t-elle de celle du gouverneur Crow?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je ne jouais pas un rôle actif à l'époque du gouverneur Crow, mais on établit un équilibre de façon différente selon les circonstances. Lorsqu'il s'agit de déterminer si les taux d'intérêt sont à un niveau approprié, cela dépend beaucoup de la conjoncture économique à ce moment-là. Si l'économie se porte bien - c'est-à-dire qu'elle est en pleine période d'expansion - alors il est peut-être approprié d'avoir un taux différent de ce qu'il serait en période de récession. Le taux de croissance réel de l'économie a été de près de 4 p. 100 au cours des quatre derniers trimestres et on prévoit maintenir une forte croissance. La croissance du Canada, parmi les pays du G-7 et dans le monde industrialisé, n'est dépassée que par celle des États-Unis.

Honorables sénateurs, je ne peux parler du caractère approprié de certains taux d'intérêt à certaines périodes. Je laisse cela au gouverneur de la Banque du Canada. Je pense qu'il accomplit un travail remarquable.

[Français]

Les affaires intergouvernementales

Les conditions d'un prochain référendum québécois-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, quelles sont les intentions du gouvernement fédéral en ce qui concerne la tenue du prochain référendum au Québec - tout en souhaitant qu'il n'y en aura pas? Est-ce que le ministre pourrait informer cette Chambre des décisions qui ont été prises par le gouvernement fédéral à cet égard?

[Traduction]

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de toute évidence, il n'est pas dans l'intérêt du gouvernement de faciliter la tenue d'un autre référendum. Toutefois, il y a certains principes qu'acceptent la majorité des Canadiens ainsi que les députés du gouvernement et, probablement, la plupart des sénateurs.

Premièrement, si jamais il y a un référendum, il faudra insister sur la clarté. La clarté sera exigée pour la question à poser aussi bien que pour les résultats du référendum. C'est l'opinion non seulement des sénateurs, mais aussi de la plupart des Canadiens. La Cour suprême insiste là-dessus dans sa décision. En fait, cette opinion représente une partie extrêmement importante de la décision.

L'autre principe sur lequel la plupart des Canadiens sont d'accord - et c'est un élément de la position du gouvernement -, c'est que le Parlement du Canada doit avoir son mot à dire à l'égard de cette question. La séparation ne saurait être la question exclusive d'une province. C'est une question qui intéresse les sénateurs et d'autres parlementaires. Les mécanismes exacts d'application de ces principes font actuellement l'objet d'un débat. Cependant, nous pouvons souligner que, premièrement, la clarté est essentielle et, deuxièmement, la séparation est l'affaire du Parlement du Canada et des Canadiens, et non d'une seule province.

[Français]

Le sénateur Rivest: Quand le ministre nous indique que le Parlement du Canada doit être impliqué, veut-il dire la Chambre des communes et le Sénat? Dans son esprit et dans celui du gouvernement, est-ce que l'implication du gouvernement fédéral est dans les termes du processus référendaire lui-même, comme la clarté de la question et la majorité requise? Quel est l'avis du ministre?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Les honorables sénateurs sont invités à commenter leurs positions, et ce sera d'ailleurs une partie importante du processus. La Cour suprême a déclaré sans ambiguïté que les problèmes de clarté, concernant la question et les résultats, intéressent le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux.

[Français]

Le sénateur Rivest: À l'origine, dans la rédaction ou la formulation de la question ainsi que dans la majorité qui, éventuellement, pourrait être nécessaire.

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, dans les deux cas sans doute, la clarté est importante.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'entends quelque chose d'inédit. Le ministre, au nom du gouvernement, nous dit que le Parlement du Canada aura son mot à dire dans la formulation de la question et dans la détermination du pourcentage des voix. En fait, les deux Chambres du Parlement contribueront au processus référendaire si le Québec décide de tenir un référendum.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable chef de l'opposition élargit un peu trop la portée de mes propos. J'ai dit que le gouvernement du Canada doit participer au processus comme l'a prescrit la Cour suprême.

Lorsque je dis «le gouvernement du Canada», cela inclut aussi le Sénat. Quant à la clarté, je crois que le gouvernement du Canada et la province en cause tiendront des discussions. En fait, des gouvernements d'autres provinces non directement en cause pourraient participer aux discussions. La nature précise de ce processus sera déterminée au cours des semaines et des mois à venir. Pour le moment, je ne serais pas prêt à décrire en détail la nature exacte de cette participation.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je précise respectueusement que la Cour suprême du Canada n'a pas ordonné au gouvernement du Canada de faire quoi que ce soit et qu'elle n'a pas rendu de jugement. Elle a donné une opinion allant bien au-delà des trois questions contenues dans le renvoi du gouvernement du Canada. Le ministre invoque ici une politique gouvernementale qui a fait l'objet de discussions et qui demeure controversée. Ce que j'entends, c'est qu'on peut prévoir, dans une certaine mesure, une intervention parlementaire et gouvernementale dans le processus préparatoire au référendum sur l'avenir du Québec, soit au sein de la Confédération, soit à l'extérieur de celle-ci, avant la tenue de ce référendum, si jamais il a lieu.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je peux assurer à l'honorable sénateur que, lorsqu'on préparera la tenue d'un référendum, le gouvernement du Canada ne restera pas inactif sans participer au processus ni commenter la nature de la question.

(1450)

La défense nationale

Le Livre blanc de 1994-La politique du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le livre blanc sur la défense de 1994 reste-t-il la prise de position définitive du gouvernement par rapport aux questions concernant la défense?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si le sénateur veut obtenir confirmation que certains éléments particuliers s'inscrivent encore dans la politique du gouvernement, je me ferai un plaisir d'obtenir pour lui cette information.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, à l'instar de mon chef, je lis dans la déclaration ministérielle que certaines modifications apportées à la politique de défense du Canada sont passées inaperçues. Je dois dire, en toute humilité, que je m'intéresse d'assez près à cette politique. Le leader peut consulter son collègue à sa gauche s'il pense que je plaisante.

Supposons que des modifications ont été apportées à la politique depuis sa publication il y a cinq ans. Je cite un extrait tiré de la page 50 du document en question:

Des options et des plans seront donc immédiatement définis en vue de mettre en service de nouveaux appareils à un prix abordable, d'ici à l'an 2 000.

L'an 2000 est dans cinq semaines. Le livre blanc a été publié il y a environ cinq ans. Quelle est la position du Canada par rapport au remplacement des hélicoptères? La politique de notre pays a-t-elle changé? N'est-ce pas là la position du gouvernement du Canada?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le processus visant à remplacer les hélicoptères utilisés pour les activités de recherche et de sauvetage est déjà amorcé. Le processus d'adjudication des marchés est en cours. Nous espérons que les nouveaux hélicoptères seront fonctionnels dans un délai raisonnable.

Quant aux appareils Sea King auxquels l'honorable sénateur s'intéresse particulièrement, je ne puis que répéter ce que j'ai dit dans le passé. Ils demeurent la priorité numéro un du ministre de la Défense. Le ministre fait avancer le dossier, et nous espérons avoir des annonces à faire dans un proche avenir.

Le remplacement du parc d'hélicoptères Sea King

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, il y a quelque temps, un exposé de besoins a été préparé. En fait, ce document avait été préparé avant l'annulation du marché d'acquisition des EH-101. Nous apprenons maintenant que cet exposé des besoins a refait surface. Est-ce que cela signifie que le gouvernement est sur le point de lancer un appel d'offres et de rendre public cet exposé de besoins?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous savons, d'après les renseignements que le sénateur Forrestall a portés à l'attention du Sénat, que les choses ont bougé dans le programme de remplacement des Sea King. Cela témoigne encore du fait que le ministre de la Défense accorde une haute priorité à cette question et qu'il rendra une décision définitive dès que possible. Comme je l'ai déjà dit, je ferai connaître la décision au Sénat dès que je le pourrai.

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la période des questions de 30 minutes est maintenant terminée. La permission est-elle accordée de poursuivre, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Les anciens combattants

L'étude sur les établissements de santé-L'influence du rapport du sous-comité du Sénat

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Plus tôt cette année, le sous-comité des anciens combattants a produit un rapport exceptionnel sur la santé des anciens combattants. Ce rapport a été applaudi et appuyé par les honorables sénateurs, bien sûr, mais aussi par des personnes étrangères au Sénat.

Nous croyons maintenant savoir que M. Baker, le ministre des Anciens combattants, s'apprête à entreprendre une étude semblable sur le même sujet. Est-ce là un reflet de l'opinion que le ministre a de l'excellent travail fait par le sous-comité sénatorial ou est-ce tout simplement que son ministère a trop d'argent et veut refaire une étude qui a déjà été faite pour gaspiller l'argent que les contribuables ont durement gagné?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le ministre sait très bien que le sous-comité sénatorial fait du bon travail. On peut présumer que le rapport du Sénat fera partie des documents sur lesquels il fondera les décisions qu'il devra prendre. De toute évidence, il juge nécessaire de demander à son ministère de faire une nouvelle étude, mais je ne pense pas qu'il faille en conclure qu'il n'accorde aucune valeur au travail fait par le Sénat.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat donne à entendre que le ministre Baker a peut-être vu le rapport du Sénat. L'a-t-il vu, oui ou non? S'il ne l'a pas vu, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il lui en faire porter copie dès demain matin?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il est évident que je parlerai de la question au ministre Baker. S'il n'a pas encore copie du rapport, je lui en remettrai une à la première occasion.

Les affaires étrangères

Le Kosovo-L'aide gouvernementale

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Ce sera bientôt l'hiver au Kosovo, comme ici d'ailleurs. Nous avons consacré des centaines de millions de dollars à détruire la superstructure du Kosovo. La faim, le froid et le manque d'électricité menacent de nombreuses personnes. Que fait le gouvernement canadien pour aider à fournir nourriture et chaleur aux deux camps qui se sont opposés dans cette partie troublée du monde?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement canadien s'est engagé à fournir de l'aide tant économique qu'humanitaire au Kosovo. En fait, l'aide annoncée récemment totalise quelque 180 millions de dollars.

Le 30 octobre, on a annoncé qu'une somme de 65 millions de dollars serait libérée par l'intermédiaire de l'ACDI, dont 35 millions pour l'aide humanitaire, 10 millions pour l'aide économique et 20 millions pour la pacification et le relèvement d'urgence. Le 1er novembre, on a encore annoncé une aide supplémentaire de 112 millions de dollars, dont 40 millions de l'ACDI, 15 millions pour l'aide économique, 25 millions par l'entremise de l'ACDI pour créer un environnement sûr et édifier la paix, 20 millions pour le relèvement de la collectivité et 12 millions pour le programme canadien d'appui à la formation régionale. Enfin, le 17 novembre, on a annoncé 3,7 millions de dollars supplémentaires pour l'aide humanitaire et économique et pour l'Organisation internationale pour les migrations.

Un effort important de quelque 180 millions de dollars a déjà été déployé en ce sens et on ne sait pas si c'est suffisant ou non. Le gouvernement canadien demeure résolu à participer à la démarche. Nous suivrons la situation de près.

(1500)

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, le gouvernement songe-t-il à envoyer une partie de nos surplus alimentaires, pour lesquels nos agriculteurs ne touchent pas une compensation suffisante, à des régions du monde qui en ont un plus grand besoin que nous?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, à ma connaissance, cela ne fait partie d'aucun des plans existants que j'ai mentionnés. Cependant, je poserai certainement la question au ministre.


Le Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je voudrais souhaiter la bienvenue à un page de la Chambre des communes qui participe à un échange avec le Sénat. Elle s'appelle Cynara Corbin. Elle est originaire de Dollard-des-Ormeaux, au Québec, et étudie en criminologie à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Lewis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois.

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, je voudrais profiter de l'occasion pour faire quelques brèves observations sur le projet de loi C-6. C'est un projet de loi extrêmement nécessaire que j'appuie avec enthousiasme, tout en ayant quelques réserves. Je ressens donc le besoin de faire quelques brèves observations sur le projet de loi avant qu'il soit renvoyé à un comité.

Depuis quelques années, la capacité du Canada de réunir, de conserver, de fusionner, de transférer et d'utiliser des informations s'est considérablement accélérée. Il en résulte que des informations en tout genre circulent dans le pays, et même partout ailleurs sur la planète, avec plus de liberté et de rapidité que jamais auparavant. Certes, l'élargissement de notre capacité à cet égard comporte des avantages, mais il n'en demeure pas moins que la question de la cueillette, de la divulgation et de l'utilisation des renseignements suscite un certain nombre de préoccupations relatives à leur caractère privé et confidentiel.

Honorables sénateurs, à l'évidence, le projet de loi C-6 a pour objet de protéger les renseignements personnels recueillis par le secteur privé et, en fait, de nous permettre de rattraper les progrès de la technologie. Depuis 1982, la Loi sur la protection de la vie privée protège les renseignements personnels détenus par le gouvernement fédéral. Les provinces se sont pourvues de textes semblables. Toutefois, il n'en va pas de même pour les renseignements détenus par le secteur privé. À cet égard, ce projet de loi s'est longuement fait attendre.

Nous ne devons pas agir trop vite, sans avoir examiné à fond toutes les répercussions de cette initiative. Il n'est pas un domaine où le caractère privé et confidentiel des renseignements détenus n'est aussi important que celui de la santé. La perception et les préoccupations de la population en matière de collecte et de traitement des renseignements sur la santé sont bien connues, mais elles méritent d'être rappelées au vu des questions que je souhaite soulever à propos du projet de loi.

Dans un premier temps, les patients croient que les renseignements médicaux les concernant resteront confidentiels. Ensuite, ils estiment important de savoir quelle utilisation leur sera réservée et à qui ces derniers seront communiqués, et ils ne veulent surtout pas que ces renseignements soient divulgués à des tiers sans qu'ils n'en soient informés et sans qu'ils n'aient donné leur accord. Enfin, les patients pourraient hésiter à révéler des informations les concernant aux professionnels de la santé s'ils s'interrogent sur l'utilisation ou la divulgation desdites informations.

Au paragraphe 2(1) du projet de loi, on entend par «renseignement personnel» tout renseignement concernant un individu identifiable, à l'exclusion du nom et du titre d'un employé d'une organisation et des adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail. Par conséquent, toute information concernant sa santé ou le traitement donné à un patient identifiable et tout renseignement concernant les soins de santé prodigués par un professionnel de la santé identifiable revêtent, par définition, un caractère privé.

Honorables sénateurs, l'Association médicale canadienne, l'Association dentaire canadienne et d'autres associations représentant les professionnels de la santé se sont dites très préoccupées par l'incidence négative que pourrait avoir le projet de loi C-6 en ce qui a trait à la communication de renseignements personnels et à d'autres activités cruciales liées au système de santé. Comme les honorables sénateurs le savent, le projet de loi vise à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués «dans le cadre d'activités commerciales». Il n'a pas été conçu en songeant au système de santé. En effet, je crois que bien des gens n'ont pas songé au système de santé au moment d'élaborer ce projet de loi. Et c'est ce qui fait que, dans une certaine mesure - qu'il est difficile de déterminer -, le projet de loi pourrait avoir une incidence négative sur le système de santé.

Même si le projet de loi est axé sur l'activité commerciale, il est évident qu'on ne saurait établir une distinction telle entre celle-ci et l'activité liée aux soins de santé que les dossiers de santé feraient l'objet d'un traitement différent des autres dossiers. L'objet, énoncé en termes vagues, de la partie 1 du projet de loi, ainsi que son application aux professionnels de la santé travaillant dans une entreprise dont la principale fonction est la prestation de soins de santé, ont de quoi inquiéter. Dans quelle mesure le projet de loi est-il applicable aux établissements de soins de santé, qu'ils soient à but lucratif ou non? Quand des renseignements concernant les soins de santé qui ont été recueillis dans un établissement de soins de santé sont communiqués à une entreprise commerciale, une compagnie d'assurances par exemple, les règles du projet de loi C-6 s'appliquent-elles? En quoi le projet de loi influera-t-il sur le traitement des données recueillies aux fins de la médecine préventive, du diagnostic médical et de la recherche médicale, sur la prestation des soins et sur la gestion des services de soins de santé?

Honorables sénateurs, je précise. Je crois qu'il est impératif de clarifier le projet de loi C-6 pour satisfaire à quatre points importants. Premièrement, le projet de loi C-6 doit comporter une définition claire des renseignements auxquels s'applique le droit de l'individu à la vie privée. Comme je l'ai fait observer, il ne précise pas dans quelle mesure ces dispositions s'appliquent aux renseignements médicaux. Par exemple, l'alinéa 4(1)a) stipule que ce projet de loi s'applique à toute organisation à l'égard des renseignements personnels qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'activités commerciales. Ce qui constitue une activité commerciale n'est pas clairement défini. Il semble que l'on part du principe que cela exclut automatiquement les dossiers médicaux. Toutefois, où finit l'activité commerciale et où commencent les soins de santé, cela n'est pas clair du tout. En outre, il n'y a aucune ligne directrice régissant la circulation des renseignements médicaux entre l'établissement de santé et l'établissement commercial.

Deuxièmement, le projet de loi C-6 ne protège pas les renseignements médicaux. Des règles doivent être élaborées en ce qui concerne les renseignements médicaux afin de tenir compte de leur nature spéciale. En particulier, le projet de loi doit être clarifié et modifié afin d'inclure, en ce qui concerne les renseignements médicaux, des règles précises qui mettront l'accent sur la protection du droit à la vie privée et qui garantiront que les renseignements médicaux ne soient communiqués que sur une base sélective et sous le contrôle et avec le consentement informé du patient. En outre, toute définition liée à la collecte et à l'utilisation des renseignements médicaux devrait inclure des renseignements identifiables, des renseignements sans lien permettant d'identifier le patient, des renseignements anonymes et toute combinaison de ces types de renseignements.

(1510)

De plus, j'aimerais faire remarquer qu'un récent rapport du Conseil consultatif de l'information sur la santé a clairement souligné que toute mesure législative ayant trait au respect de la vie privée et à la protection des renseignements sur la santé «devrait également inclure des dispositions claires interdisant l'usage commercial secondaire des renseignements sur la santé.»

Troisièmement, non seulement le projet de loi C-6 devrait inclure des dispositions particulières pour les renseignements sur la santé, mais il est également important que ces dispositions soient appliquées également aux secteurs public et privé. Je recommande que ces dispositions soient basées sur le cadre que fournit le Code de protection des renseignements personnels sur la santé formulé et adopté par l'Association médicale canadienne. Ce code pourrait constituer la base de la loi gouvernant la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements sur la santé.

Quatrièmement, la partie 2 du projet de loi C-6 ne précise pas à quelles fins les données électroniques liées aux soins de santé et aux dossiers médicaux pourraient être utilisées. De plus, il n'existe actuellement aucune règle, ce qui laisse la porte ouverte à toutes sortes d'abus.

Honorables sénateurs, je demande votre appui afin de veiller à ce que ces préoccupations soient réglées avant que le projet de loi C-6 ne poursuive son cours. Le gouvernement a l'occasion, voire l'obligation, de donner aux Canadiens de solides droits en matière de respect de la vie privée relativement aux renseignements sur la santé. En même temps, il est d'un intérêt vital de protéger la capacité de transférer des données à des fins de soins de santé légitimes et d'encourager une meilleure gestion et intégration de notre système de soins de santé.

De ce fait, le projet de loi C-6 est une mesure législative importante et nécessaire. Il est cependant essentiel que nous veillions à ce qu'elle réponde efficacement aux préoccupations exprimées par les membres de la communauté des soins de santé. Je crois donc que nous devrions essayer d'aider le gouvernement au comité en apportant des changements à ce projet de loi, ce qui en ferait une mesure législative encore meilleure.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Projet de loi de 1999 sur la mise en oeuvre de conventions fiscales

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (L'Acadie-Acadia), tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-3, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai un certain nombre de questions au sujet du projet de loi proprement dit. Toutefois, je peux attendre aux audiences du comité pour les poser. Je tiens cependant à signaler aux honorables sénateurs un pays visé par ce traité et dont le comportement soulève des questions concernant la pertinence pour le Canada de maintenir des liens avec lui. Par conséquent, j'espère que demain, ou lorsque le projet de loi sera devant le comité des banques, il y aura là des fonctionnaires supérieurs des Affaires étrangères en mesure de mieux répondre aux questions concernant les pays en cause et surtout l'Ouzbékistan, une des anciennes républiques soviétiques en Asie centrale.

Dans un récent communiqué en date du 20 octobre, la Human Rights Watch:

... documente indépendamment un profil d'arrestation politique, de détention et de harcèlement des membres des familles d'activistes politiques et de dissidents religieux au cours des six derniers mois. Il y a aussi beaucoup de preuves crédibles selon lesquelles la police cache régulièrement de petites quantités de drogue ou de munitions sur des personnes qu'elle arrête pour leurs allégeances politiques ou religieuses.

Le directeur exécutif de la Human Rights Watch pour l'Europe et l'Asie centrale a déclaré:

Le gouvernement de l'Ouzbékistan prétend se préparer à tenir des élections libres et équitables tout en plaçant les membres des familles de l'opposition sous les verrous et en se débarrassant de la clé. Ce n'est pas là une façon d'atteindre la démocratie.

Dans un autre communiqué diffusé le même jour, la Human Rights Watch a déclaré:

Les écoles et les universités de l'Ouzbékistan refusent d'ouvrir leurs portes aux musulmans portant la barbe et aux femmes portant le tchador.

Selon cette organisation:

Le gouvernement de l'Ouzbékistan porte atteinte de partout à la liberté religieuse. L'expulsion d'étudiants musulmans est un autre aspect de cette campagne.

Comme si cela n'était pas assez, le gouvernement du Canada, dans sa propre note explicative concernant le projet de loi, dit que:

L'Ouzbékistan présente un des pires bilans des anciens pays de l'Union soviétique sur le plan des droits humains. Il n'est pas rare que les principaux opposants et les membres de leur famille soient détenus et torturés. La majorité des journalistes étrangers ont été contraints de quitter le pays.

Ces conventions fiscales doivent entre autres protéger les Canadiens résidant et travaillant à l'étranger contre la double imposition. Il faut cependant se demander si nous avons besoin d'une convention fiscale avec un pays comme l'Ouzbékistan, surtout que le Canada n'y a pas vraiment d'intérêt important, s'il en a. Toujours selon les notes d'information du gouvernement, le Canada n'a que des intérêts commerciaux mineurs en Ouzbékistan. Les échanges commerciaux se sont élevés à 18 millions de dollars en 1998. Le Canada n'a fait aucun investissement majeur dans ce pays. Aucune compagnie canadienne ne fait de travail d'exploitation pétrolière ou minière, ce qui semble être les principales attractions de ce pays. Ceux qui y ont songé soulignent que c'est principalement l'environnement commercial ouzbek qui les tient à l'écart.

Toujours selon les notes d'information, les sociétés canadiennes de haute technologie qui ont réalisé des ventes en Ouzbékistan ont eu beaucoup de mal à faire sortir les devises étrangères de ce pays. Selon les données disponibles, il semble que ce ne soit pas l'une des régions les plus prometteuses pour les investisseurs canadiens.

Chaque fois qu'il a eu affaire à un régime répressif n'ayant pas l'intention d'instaurer un minimum de démocratie, le Canada a toujours pris position, soit par des sanctions ou par un boycottage quelconque. Puisqu'il y a bien peu d'engagement entre l'Ouzbékistan et le Canada, je ne vois pas pourquoi nous devrions adopter un tel traité à l'heure actuelle. J'espère que le comité sera en mesure de prouver le contraire ou à tout le moins qu'il se penchera sur la question car, à moins qu'on me prouve la nécessité d'un tel traité pour la protection d'un bon nombre de Canadiens sur le plan des impôts, par exemple, je crois qu'il serait approprié de proposer un amendement qui retrancherait le traité du projet de loi et le garderait à l'écart aussi longtemps que nécessaire. Peut-être le régime ouzbek comprendra-t-il que le Canada est vraiment sérieux quand il défend les droits de la personne et la démocratie et qu'il ne fait pas que répéter les paroles des autres.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, madame le sénateur Hervieux-Payette est absente aujourd'hui et c'est elle qui a présenté ce projet de loi. Je ne sais pas si d'autres sénateurs ont quelque chose à dire à ce sujet. Si c'est le cas, je ne voudrais pas m'y opposer. Toutefois, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je propose de renvoyer le projet de loi au comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

L'honorable Consiglio Di Nino: Puis-je poser une question? Nous avons reçu de nombreux projets de lois de cette nature. Je me rappelle qu'il y a quelques mois à peine, nous avons été saisis d'un projet de loi semblable qui a été renvoyé au comité des affaires étrangères. Un certain nombre de questions, distinctes de celles du sénateur Lynch-Staunton, avaient aussi été posées alors. Pourquoi ce projet de loi sera-t-il renvoyé au comité des banques au lieu du comité des affaires étrangères, comme c'était le cas, il me semble, de projets de loi précédents sur des conventions fiscales?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je crois que nous contrevenons au Règlement, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président suppléant (l'honorable P. Derek Lewis): Avant d'aborder ce point, nous devrions adopter le projet de loi en deuxième lecture.

Le sénateur Hays: Nous devrions laisser la parole au chef adjoint de l'opposition.

Le sénateur Kinsella: Pour simplifier, je proposerai l'ajournement du débat.

(1520)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, afin de clarifier la situation des questions dont cette Chambre est saisie, avec votre permission, je vais retirer toute motion que j'aurais pu présenter durant mon intervention, qui aurait porté renvoi du projet de loi au comité. Ainsi, nous pourrons faire place à la motion d'ajournement du débat du sénateur Kinsella.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kroft, appuyée par l'honorable sénateur Furey, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-sixième législature.-(4e jour de la reprise du débat.)

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai eu jusqu'à maintenant le plaisir - ma foi, oui, la plupart du temps le plaisir - d'entendre 11 discours du Trône, tant au Parlement provincial qu'ici même, au Sénat. Qu'ils aient été prononcés ici ou dans ma province natale, le Manitoba, ils affichaient tous la même caractéristique. Ils étaient tous un peu vagues. Il faut comprendre que, de par leur nature même, les discours du Trône sont plutôt vagues. Ils sont remplis de belles paroles, mais avares de détails. J'ai toujours éprouvé une certaine compassion pour les gouverneurs généraux et les lieutenants-gouverneurs qui doivent lire ces discours.

Toutefois, le présent discours du Trône m'a profondément touchée par endroits parce qu'il établit un nouveau programme, un programme pour les enfants. Il convient fort bien que je parle de cela aujourd'hui car, comme l'a signalé jeudi dernier le sénateur Callbeck, nous avons célébré la Journée nationale de l'enfant samedi dernier, le 20 novembre.

Comme le savent les sénateurs, en 1993, le gouvernement fédéral a désigné le 20 novembre Journée nationale de l'enfant afin de commémorer deux événements historiques de l'ONU, à savoir l'adoption, le 20 novembre 1959, de la Déclaration des droits de l'enfant et l'adoption, le 20 novembre 1989, de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Les jeunes d'aujourd'hui sont les leaders de demain. Pour assurer à nos enfants le meilleur départ possible dans la vie, nous devons investir maintenant dans l'avenir, dans leur avenir. Les expériences et les recherches scientifiques montrent que le premier développement d'un enfant détermine son succès à l'âge adulte. Au seuil du nouveau millénaire, nous devons voir à ce que nos enfants possèdent les habiletés et les avantages nécessaires pour que notre société soit vigoureuse et prospère. Les enfants ont besoin de notre amour, de notre soutien et de notre encouragement, mais ils ont également besoin d'occasions pour apprendre. Leurs besoins fondamentaux doivent être satisfaits.

Plus tôt cet après-midi, je lisais un discours du sénateur Gill sur les autochtones au Canada. C'est tragique, mais les besoins fondamentaux des enfants autochtones sont rarement satisfaits.

En 1989, tous les partis représentés à la Chambre des communes ont adopté une résolution visant l'élimination de la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Comme le sénateur Cohen le sait, nous sommes en novembre 1999 et, malheureusement, nous avons pris du recul par rapport à 1989. Cependant, j'espère que, grâce à ce discours du Trône et au budget qui s'en vient, les législateurs pourront faire des progrès à cet égard. De toute évidence, nous n'atteindrons pas notre objectif pour l'an 2000, mais il faut espérer que nous entamerons le millénaire du bon pied.

La pauvreté touche tous les aspects du développement d'un enfant, aussi bien à court qu'à long terme. Cela commence dans le sein de la mère, avec une mauvaise nutrition, et se poursuit tout au long des années de formation, affectant tous les aspects de la croissance et nuisant au succès. On ne peut s'attendre à ce qu'un enfant dont les besoins fondamentaux - alimentation, logement et vêtements appropriés - ne sont pas satisfaits puisse apprendre et s'épanouir.

De plus en plus, les programmes d'aide sociale des provinces invitent les bénéficiaires partout au Canada à accepter du travail rémunéré. Je ne m'oppose pas à ce que les gens accomplissent un travail qui leur convient. Je crois que cela est bénéfique pour l'image de soi et pour son propre développement. Cependant, si, en forçant les gens à travailler, nous ne nous préoccupons pas des soins à donner aux enfants, qui sera gagnant?

Je sais qui sera perdant. Les enfants seront perdants. Ces familles viendront gonfler les statistiques et les assistés sociaux deviendront des travailleurs démunis. Dans notre planification, nous devons absolument accorder la priorité à la qualité des soins à donner à ces enfants.

Nulle part au Canada le salaire minimum n'est assez élevé pour permettre même à ceux qui ont un emploi à temps plein d'échapper à la pauvreté. À Winnipeg, en 1999, selon un rapport récent du Conseil national du bien-être social, un parent seul qui a un seul enfant devrait travailler 80 heures par semaine pour parvenir au seuil de la pauvreté s'il a un emploi rémunéré au salaire minimum. À Winnipeg, pour une famille qui compte deux parents et deux enfants, il faudrait 118 heures de travail par semaine pour parvenir au seuil de pauvreté. Honorables sénateurs, il n'y a que 168 heures dans une semaine.

Le crédit d'impôt pour enfants, un magnifique programme mis sur pied par le gouvernement, a malheureusement été interprété dans certaines provinces comme un système qui leur permettait de réduire les prestations d'aide sociale. Le programme a donc amélioré le sort des pauvres qui travaillent, mais il n'a pas relevé le revenu des assistés sociaux.

Les enfants ont toujours besoin de leurs parents. Certains d'entre nous nous demandons même si nos enfants adultes n'ont pas toujours besoin de nous. En tout cas, ils ont besoin de nous plus spécialement pendant leurs années de formation. C'est pourquoi des programmes comme le Programme d'aide préscolaire aux autochtones, le Programme canadien de nutrition prénatale et le Programme d'action communautaire pour les enfants ont tous été essentiels pour jeter les bases d'un sain développement à long terme chez les enfants. J'ai été très heureuse de trouver dans le discours du Trône sept engagements au sujet des enfants: des prestations plus généreuses pour les congés de maternité et parentaux, un accord fédéral-provincial pour mieux soutenir le développement des jeunes enfants, une augmentation du revenu après impôt des familles, des milieux de travail plus conviviaux pour les familles, notamment dans l'administration publique fédérale, la modernisation du droit familial, une troisième injection de fonds importante dans la prestation nationale pour enfants et le renforcement des possibilités d'apprentissage grâce à une expansion de Rescol.

Honorables sénateurs, l'exposé budgétaire n'est pas le mien, mais, si j'aidais Paul Martin à préparer son budget, les familles pauvres qui travaillent auraient droit à toutes les réductions d'impôt.

Toutes ces initiatives sont constructives, honorables sénateurs. On reconnaît l'arbre à ses fruits. Lorsque ces initiatives se concrétiseront, nous verrons si elles entraîneront des modifications positives pour nos enfants.

(1530)

En particulier, le discours du Trône annonçait des congés parentaux améliorés grâce à la prolongation de la période des prestations parentales versées par le régime d'assurance-emploi. C'est une bonne chose, mais, en raison de mon grand intérêt pour les soins palliatifs, j'ajouterai une chose: la semaine dernière, le sénateur DeWare était là avec beaucoup d'autres sénateurs lorsque nous avons entendu un discours très poignant en faveur de congés pour les personnes qui doivent s'occuper de proches à l'article de la mort. Nous voudrons peut-être étudier des modifications en ce sens au régime d'assurance-emploi.

Pour le moment, concentrons-nous cependant sur les congés parentaux. Il s'agit là d'une initiative très positive, mais j'espère que, lorsque gouvernement l'étudiera, il tiendra compte du fait que les parents d'aujourd'hui sont prêts à partager la responsabilité. Ces congés ne sont pas offerts uniquement aux femmes. Les pères ont une chance merveilleuse de profiter des congés parentaux. Cependant, avec la loi actuelle sur l'assurance-emploi, si la mère et le père voulaient profiter du congé, chacun des deux aurait une période d'attente de deux semaines. C'est malheureux parce que, personnellement, j'aimerais que davantage de pères canadiens prennent la maison en main, même pendant de courtes périodes.

Personnellement, lorsque j'ai dû passer six semaines à l'hôpital au moment de la naissance de mon deuxième enfant, l'aînée ne pouvait pas me visiter et elle et son père se sont beaucoup rapprochés parce que c'était surtout lui qui s'occupait d'elle. L'après-midi, lorsque le chariot de friandises passait, j'achetais une tablette de chocolat pour ma fille, je lui écrivais une lettre en images, car elle n'avait que trois ans, et je la lui faisais apporter par son père, qui est devenu son parent préféré pendant cette période. Je n'ai su qu'un peu après mon retour à la maison qu'ils mangeaient la tablette de chocolat ensemble dans notre lit avant le déjeuner. Mais quoi qu'il en soit, au cours de cette période particulière de sa vie, mon mari est devenu très lié à ma fille aînée et leur complicité dure encore aujourd'hui.

La petite enfance est une période critique pour le bon développement de l'enfant, tant à court qu'à long terme. Les enfants qui ont des expériences positives au cours de leur petite enfance réussissent mieux à l'école, ils ont une meilleure estime d'eux-mêmes et ils sont mieux adaptés à la vie en société. Plus tard dans leur vie, ils ont de meilleurs emplois, moins de problèmes sociaux et moins de problèmes de santé. Ils sont moins susceptibles d'avoir des bébés à l'adolescence, ils consomment moins de drogues et ils sont moins susceptibles de tomber dans la criminalité.

Cela nous surprend-il vraiment? Prenons le cas d'une petite fille ou d'un petit garçon de cinq ans typique qui entre à la maternelle. C'est peut-être sa première ou deuxième expérience de l'école. Dans le cas d'enfants de la classe moyenne, voire d'une famille pauvre possédant d'excellentes compétences parentales - oui, il y en a -, quand ils iront à la maternelle, ils sauront leur nom, où ils vivent, leur numéro de téléphone, ils connaîtront l'alphabet, les couleurs et les chiffres. Ces enfants sont à un moment critique de l'apprentissage, le plus important étant l'apprentissage de la lecture. Comparez cela aux enfants qui ne connaissent pas les chiffres, ni l'alphabet, ni les couleurs. Dès le départ, dès le début des classes, un groupe d'enfants est désavantagé par rapport à un autre. C'est pourquoi l'intervention dans la première enfance est si importante pour que nous puissions inverser la tendance des possibilités pour ces enfants-là.

Selon une étude que j'ai lue récemment, 28 p. 100 des garçons manifestant un comportement antisocial au moment où ils entrent en maternelle étaient délinquants à l'âge de 13 ans, 28 p. 100 d'entre eux! C'est pourquoi un programme d'action national pour les enfants est si important. La promesse du gouvernement de travailler avec les provinces et les territoires à la mise en oeuvre d'un plan d'action d'ici décembre 2000 pour renforcer le développement de la première enfance est essentiel. Le programme d'action national pour les enfants - une initiative fédérale, provinciale et territoriale - partage nombre d'objectifs de la Journée nationale de l'enfant. Ils adressent le même message. En travaillant ensemble, les Canadiens peuvent s'assurer que tous les enfants vivent dans un climat d'amour et de compréhension, qu'ils soient considérés comme des personnes et qu'ils aient l'occasion d'atteindre leur plein potentiel quand ils seront adultes.

Dans le discours du Trône est également annoncé Échanges Canada, un programme visant à donner à 100 000 jeunes chaque année la chance de vivre et d'étudier dans d'autres régions du Canada. Quelle merveilleuse expérience! Je suis une meilleure Canadienne parce que j'ai vécu dans plusieurs régions du pays, et je sais que mes enfants le sont également parce qu'ils ont vécu aussi dans plusieurs provinces et qu'ils sont capables de parler les deux langues officielles du Canada.

N'oublions pas également les programmes comme Katimavik. À un moment donné, 5 000 jeunes participaient à ce programme. Ils ne sont plus que 1 000 à l'heure actuelle. Honorables sénateurs, au cours des dix prochains jours, un groupe de ces jeunes nous rendra visite sur la colline, et je vous invite à parler à certains d'entre eux.

Son Honneur le Président suppléant: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Carstairs: Puis-je avoir la permission de poursuivre, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Merci, honorables sénateurs.

Ces jeunes qui sont visés par Katimavik ne sont pas des jeunes très motivés destinés à aller à l'université. Ce sont des jeunes qui ne savent pas trop ce qu'ils vont faire. Cependant, je peux vous dire, après les avoir rencontrés au fil des ans, qu'après une année au sein du programme Katimavik, ce sont des jeunes très motivés qui ont appris nos deux langues officielles, qui ont collaboré à des projets de services communautaires au Canada et qui ont maintenant des projets pour leur avenir. C'est ce qu'il faut encourager au Canada.

Honorables sénateurs, dans le discours du Trône, le gouvernement a également renouvelé son engagement de présenter à nouveau une loi sur les jeunes contrevenants. En fait, la ministre de la Justice a déjà présenté à nouveau le projet de loi sous la désignation C-3. Je vais examiner ce projet de loi très attentivement pour veiller à ce que nous ne soyons pas trop sévères. Permettez-moi de citer un rapport du 20 juin 1995 du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet du projet de loi C-37, modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants, partie 1:

Plusieurs témoins ont maintenu qu'il fallait contrebalancer les préoccupations légitimes du public à l'égard de la violence chez les adolescents avec des renseignements exacts sur les taux de criminalité et sur le fonctionnement du système de justice pour les jeunes. Le comité croit que ni les jeunes ni le grand public n'ont intérêt à ce que soient véhiculées des inexactitudes sur la fréquence des crimes avec violence commis par des adolescents de même que sur l'éventail des actes. Ces perceptions erronées peuvent susciter des craintes non fondées et pousser la population à exiger des mesures de plus en plus punitives, peu susceptibles de faire disparaître les causes réelles des crimes avec violence commis par des jeunes.

On entend constamment dire que le taux de la criminalité chez les jeunes est à la hausse - c'est le refrain cher aux députés réformistes -, que les jeunes sont de plus en plus violents et que des mesures plus strictes s'imposent parce que la loi actuelle sur les jeunes contrevenants est trop faible. Or, honorables sénateurs, selon une récente publication du Service correctionnel du Canada portant sur des données du Centre canadien de la statistique juridique, dans l'ensemble, le nombre de jeunes qui ont été accusés d'une infraction criminelle et qui ont comparu devant un tribunal pour adolescents a diminué entre 1992 et 1997. Quand on considère les crimes violents commis par des jeunes à l'échelle nationale, on n'observe qu'une légère augmentation. Au Manitoba, ce chiffre a baissé de 9 p. 100 entre 1997 et 1998. L'âge moyen des jeunes qui se retrouvent devant les tribunaux de la jeunesse n'a pas diminué mais demeure stable, à 15 ans. Les transferts de jeunes aux tribunaux pour adultes n'ont ni augmenté ni diminué.

(1540)

Enfin, la sévérité des dispositions à l'égard des jeunes a augmenté; contrairement à la perception au sein de la population, les sentences infligées aux jeunes sont loin d'être clémentes. Selon une étude que j'ai lue récemment, la peine moyenne imposée à un jeune ayant commis un crime était supérieure à celle imposée à un adulte pour la même infraction.

On entend beaucoup parler du phénomène des bandes. Or, au Manitoba, les trois quarts des membres de bandes ne sont pas des jeunes, ce sont des adultes.

Honorables sénateurs, le Canada envoie des enfants en prison à un taux deux fois supérieur à celui pratiqué dans la plupart des États des États-Unis, qui possèdent le taux d'incarcération le plus élevé de tout l'Occident tant en ce qui concerne les adultes que les jeunes.

En Finlande, il n'y a que 10 garçons âgés de moins de 18 ans en prison, et ce, sur une population de cinq millions d'habitants. Au Canada, il y a 4 000 jeunes en détention sur une population de 31 millions d'habitants. Croit-on vraiment que nos jeunes sont six fois et demie plus méchants que les jeunes de Finlande? En Norvège, il n'y a plus de prison pour enfants.

Honorables sénateurs, de 30 à 70 p. 100 des jeunes contrevenants sont affligés d'un type quelconque de difficulté d'apprentissage. Au lieu de durcir la mesure législative concernant les jeunes contrevenants, nous devrions affecter des ressources visant à résoudre les problèmes des personnes en difficulté d'apprentissage pendant qu'elles sont jeunes. Les recherches montrent que les enfants qui bénéficient de soins et d'une éducation de haute qualité dès leur jeune âge sont proportionnellement beaucoup moins nombreux que les autres à être mêlés à des crimes et à des actes de violence, que ce soit comme victimes ou comme agresseurs. Le Conseil national de prévention du crime a recommandé de mener la lutte contre la criminalité en adoptant en premier lieu de bons programmes sociaux pour les enfants.

Honorables sénateurs, au début de mon allocution, j'ai mentionné que c'était samedi le dixième anniversaire de l'adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. La convention traite des droits des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. Elle reconnaît aussi le rôle important de la famille dans l'éducation des enfants. Avant la convention de 1989, en vertu du droit international, un enfant était considéré comme un objet auquel il fallait accorder des soins et de la protection. La convention a modifié cette perception en reconnaissant les droits de l'enfant comme personne, et en lui accordant le droit à la liberté d'expression, d'association, de réunion, de religion et à la vie privée. Le Canada fait l'objet de critiques à l'échelle internationale depuis 1989 pour avoir négligé d'abroger l'article 43 du Code criminel, qui entre en conflit avec l'article 19 de la Convention des Nations Unies. En 1995, le comité des droits de l'enfant des Nations Unies a recommandé que les châtiments corporels au foyer ou ailleurs soient interdits et a demandé que le Canada revoie l'article 43 à la lumière de cette recommandation. Je suis déçue de constater qu'il n'est pas fait mention de l'abrogation de l'article 43 dans le discours du Trône.

Les médias ont annoncé hier que la ministre de la Justice présentera cette semaine des modifications au Code criminel afin de protéger davantage les animaux contre les actes de violence et les abus. Les changements sont destinés à reconnaître en droit que les animaux ne sont pas un bien et qu'ils existent en tant que tels. J'appuie très fermement cette mesure législative. Je crois également que les enfants ne sont pas un bien et, à mon avis, nous n'avons pas déterminé comme il convient leur situation en droit.

Les enfants sont des êtres uniques. Ils ont besoin de notre amour, de notre soutien et, par-dessus tout, de nos conseils. Les enfants ont besoin de discipline, mais il y a beaucoup d'autres façons de discipliner un enfant que de recourir à des châtiments corporels. En réalité, des études ont révélé que les châtiments corporels entraînent davantage, et non moins, de violence.

Honorables sénateurs, le gouvernement est sur la bonne voie. Je ne pense pas qu'il fait tout à la perfection, mais je n'ai jamais pensé qu'un gouvernement pouvait être parfait. Le gouvernement s'oriente dans la bonne direction. Toute mesure qui vise à protéger nos enfants et à encourager leur plein épanouissement et la réalisation de leur potentiel est une mesure positive. Comme une bonne enseignante, je vais tenir un relevé de notes à ce sujet.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat en réponse au discours du Trône. La Gouverneure générale a soulevé certaines questions importantes dans le discours qu'elle a prononcé le mois dernier. Compte tenu du fait que, comme tous les honorables sénateurs le savent, le gouvernement du Canada a identifié quatre groupes cibles qui ont besoin d'être protégés, je me suis particulièrement intéressé aux observations de la Gouverneure générale sur l'amélioration de la qualité de vie des Canadiens. En écoutant ses propos, la déception a malheureusement vite succédé à mon intérêt initial. J'ai entendu parler des mesures que le gouvernement prétend prendre pour améliorer la vie des autochtones, des femmes et des Canadiens handicapés, mais j'ai eu beau écouter le plus attentivement possible, je n'ai rien entendu au sujet du quatrième groupe: celui des Canadiens appartenant à une minorité visible. C'est comme si nous étions disparus de la planète, du moins la planète telle que le gouvernement actuel l'envisage.

Je n'ai toutefois pas été surpris. Les minorités visibles n'ont jamais vraiment figuré dans les priorités du gouvernement. Nous ne faisons pas partie de ce que le premier ministre appelle pompeusement la vision libérale du nouveau millénaire. Je pense que cela s'explique par le fait que, contrairement aux femmes, nous n'attirons pas l'attention du simple fait de notre grand nombre. Nous n'inspirons pas non plus de sentiments de culpabilité comme les personnes handicapées. Nous ne sommes pas le point de mire des médias comme les autochtones. Au lieu de cela, il semble que nous sommes simplement là en tant que Noirs, Chinois, Vietnamiens, Indiens des Indes orientales, Pakistanais, Nigérians, Sénégalais, Égyptiens, Libanais, Nicaraguayens, Boliviens, et cetera. Nous formons un groupe hétérogène d'individus originaires de toutes les régions du monde. Nous formons un groupe d'individus parmi lesquels bon nombre luttent pour s'adapter à leur nouvelle terre d'accueil tandis que de nombreux autres sont ici depuis un siècle ou plus; nous appartenons tous à des minorités qui essaient de surmonter les diverses formes de racisme, de sectarisme et d'intolérance auxquelles elles font face dans leur quotidien. Il semble qu'aucun d'entre nous n'est digne d'une attention particulière ou ne semble mériter la moindre marque d'intérêt ou de considération de la part du gouvernement.

Étant donné cette indifférence inexplicable et inexcusable, il est de mon devoir de prendre la parole en cette enceinte aujourd'hui. Il incombe au gouvernement de notre pays de veiller aux intérêts de tous les Canadiens. En ne parlant pas des minorités visibles dans le discours du Trône, il s'est démis d'une partie importante de ses responsabilités. Il a laissé une partie petite mais vitale de notre communauté non représentée et sans voix. Je prends donc la parole, pendant un bref moment, afin de parler du cas des minorités visibles devant le Sénat.

Honorables sénateurs, j'aimerais rappeler au gouvernement que les membres des minorités visibles sont également des citoyens de notre merveilleux pays. En dépit de la différence de la couleur de leur peau, de la forme de leurs yeux, de leur accent ou de leurs coutumes, ils font partie intégrante de notre grande famille canadienne. Il ne faut pas les négliger ni leur manquer d'égards, comme on l'a manifestement fait dans le discours du Trône.

Honorables sénateurs, le premier ministre a peut-être oublié ou n'est peut-être pas conscient que les minorités visibles représentent 11 p. 100 de la population canadienne, soit 3 millions de personnes. Selon les derniers sondages, 32 p. 100 des habitants de Toronto sont des membres de minorités visibles, tout comme 31 p. 100 des habitants de Vancouver, 15 p. 100 des habitants de Calgary, 12 p. 100 des habitants de Montréal et 7 p. 100 des habitants d'Halifax. Au cours des prochaines années, ces chiffres vont encore augmenter. Statistique Canada prévoit qu'il y aura quelque 7 millions de membres de minorités visibles au Canada en 2016. Si tel est le cas, ils représenteront 20 p. 100 de la population canadienne.

En dépit de leur nombre toujours croissant, les membres des minorités visibles sont largement tenus à l'écart du flot principal de la société. Honorables sénateurs, regardez autour de vous. Les minorités visibles représentent 11 p. 100 de notre population. Représentent-elles 11 p. 100 du Sénat ou de la Chambre des communes? Et qu'en est-il dans les forces armées, l'ordre judiciaire ou l'industrie bancaire? Combien de présidents d'université connaissez-vous qui soient membres de minorités visibles? Comment se fait-il que la SRC ne semble pas trouver de membres de minorités visibles pour prendre part à ses nombreuses tribunes de discussion et à ses nombreux shows d'experts. Comment cela se fait-il, en effet?

(1550)

L'exclusion de membres de minorités visibles de leur juste part des emplois est un phénomène qui touche tous les secteurs de notre société. La fonction publique du Canada en est un excellent exemple. Selon les tout derniers chiffres, à peine 9 000 personnes sur un total de 190 000 fonctionnaires fédéraux sont membres de minorités visibles, ce qui représente environ 5 p. 100. Si on fait une ventilation par ministère, cette exclusion devient encore plus flagrante. Le ministère de la Défense nationale compte moins de 500 membres de minorités visibles sur un total de 17 000 employés civils, et le Service correctionnel du Canada en compte à peine 300 parmi ses 12 000 employés.

La situation est encore plus honteuse aux échelons supérieurs. Honorables sénateurs, moins de 3 p. 100 des cadres de la fonction publique du Canada sont membres de minorités visibles. On me dit que, à l'exception des personnes nommées par décret, il n'y a, dans toute la fonction publique, aucun sous-ministre membre d'une minorité visible. En fait, le dernier aurait pris sa retraite il y a deux décennies!

Qu'on y pense. Il y a sûrement plus de 100 sous-ministres dans la fonction publique, et ils sont tous de race blanche! Autrement dit, aucun des plus de 9 000 membres de minorités visibles que j'ai mentionnés il y a un instant ne possède les qualités requises pour devenir sous-ministre. Pas un seul d'entre eux ne possède l'instruction, l'expérience et le savoir-faire pour exercer ces fonctions. C'est difficile à croire!

La fonction publique dit qu'il faut du temps. Peut-être faut-il beaucoup de temps. Cependant, ce n'est pas une question de temps; c'est une question d'attitude. Soit les dirigeants de la fonction publique du Canada croient en l'équité en matière d'emploi, soit ils n'y croient pas. Bien honnêtement, étant donné leur bilan, je ne pense pas qu'ils y croient.

Honorables sénateurs, la fonction publique n'est pas la seule à refuser d'ouvrir ses portes aux membres de minorités visibles. La même situation règne dans notre propre cour. Prenons une minute pour réfléchir à la dernière fois où nous avons vu un employé du Sénat qui faisait partie d'une minorité visible. Si vous êtes comme moi, cette minute pourrait en devenir deux ou trois. Le fait est que, selon le bureau du greffier, seulement 1,2 p. 100 des employés du Sénat sont membres de minorités visibles. Cela représente un total de six personnes sur 490 employés, dans une institution qui est censée aider à donner l'exemple à d'autres.

Le problème, dans le cas présent, ce n'est pas tant que la fonction publique du Canada et le Sénat n'ont pas fait preuve de leadership sur la question de l'équité en matière d'emploi. Cependant, j'ai écrit au Président du Sénat à ce sujet et ma lettre demeure sans réponse. Je mentionne ces deux institutions comme exemples, mais il y en a bien d'autres. Le véritable problème, selon moi, c'est qu'en n'agissant pas, on renforce l'idée qu'il n'est pas nécessaire d'agir. En d'autres termes, on se dit que si on ne fait rien, le problème disparaîtra de lui-même.

Honorables sénateurs, nous avons déjà vu, avec le référendum au Québec et aujourd'hui, avec la pêche sur la côte est, qu'une telle approche ne conduit qu'à des problèmes. On refuse aux minorités visibles des débouchés équitables en matière d'emploi. Nous devrions en parler, obtenir l'opinion des intéressés et trouver des façons de surmonter le problème. Prétendre que cela n'existe pas ne règle rien; pourtant, c'est exactement ce que nous faisons.

La même chose se produit dans le domaine des relations raciales. Les Canadiens aiment à croire à tort qu'ils vivent dans un pays plus compatissant. Il n'y a pas d'émeutes raciales ici. Les assassins n'abattent pas des dirigeants des communautés minoritaires. Les Noirs ne sont pas battus à mort ou presque par des bandes de policiers le long d'une route ou agressés sexuellement dans les salles de bain des postes de police. Tout le monde s'entend et il y a de l'espace pour tous.

Le seul problème avec cela, c'est que ce n'est pas vrai. Le Canada n'est pas une Arcadie de l'ère moderne; ce n'est pas vrai non plus que tous les Canadiens aiment leur prochain. En fait, très souvent, l'amour fait place à l'animosité, à la méfiance, à la crainte et à la haine, oui, la haine. Des crimes motivés par la haine sont commis au Canada, même si, heureusement, ce n'est pas à la même échelle qu'aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, cela se produit. Une jeune femme de Victoria, Reena Virk, a été la victime d'un crime motivé par la haine. Elle a été battue et noyée. Pourquoi? Parce qu'elle était membre d'une minorité visible. Nous avons des groupes sectaires au Canada également: le Ku Klux Klan, le White Power Canada, le Nationalist Party of Canada et le Heritage Front. Chacun a ses slogans et ses réponses faciles. Chacun a son lot de jeunes hommes malheureux prêts à prouver leur virilité en s'en prenant à d'autres. Nous faisons également face à un nouveau phénomène, la cyberhaine, c'est-à-dire la haine propagée par Internet. Il y a également des tenants de la suprématie blanche, des néo-nazis et des skinheads qui transmettent leurs inepties aux gens faciles à duper et à ceux qui sont toujours en colère.

Toutes ces choses existent dans notre pays. Cependant, on ne pourrait pas s'en douter en se fiant aux médias. Les journaux et la télévision ne parlent pratiquement pas de la question. Pourquoi? Parce que la majorité des Canadiens ne sont pas intéressés. Pour les Blancs, l'équité en matière d'emploi, le racisme et les crimes motivés par la haine sont des questions intellectuelles plutôt que pratiques et cela se comprend. En effet, les Blancs sont rarement des cibles. Ils sont rarement les victimes de préjugés et de sectarisme et ils oublient, ou comme le gouvernement, ils font volontairement fi du fait qu'il y en a d'autres qui sont victimes de ces phénomènes, qui ont besoin de protection, d'aide et d'encouragement.

Honorables sénateurs, les minorités visibles ne cherchent pas un traitement spécial. Elles ne demandent pas de faveurs qui sont refusées à d'autres. Elles veulent travailler, avoir des emplois rémunérateurs, élever leurs enfants dans un environnement sûr, leur donner la possibilité d'avoir une vie saine et prospère, comme tout le monde. Comme les autres, elles veulent être acceptées pour ce qu'elles sont et que l'on ne tienne pas compte de leur pays d'origine ou de la couleur de leur peau. Nous avons assurément fait suffisamment de progrès ces dernières décennies pour que cela soit possible. Peut-être suis-je encore là trop optimiste.

Honorables sénateurs, j'ai fait au début de l'année un discours sur la situation de la communauté noire au Canada. Dans mes remarques, j'ai dit que je doutais fort que nous arriverions vraiment à l'égalité de mon vivant. Après ce discours, quelqu'un est venu me demander pourquoi je continuais à défendre mes idées quand, dans mon for intérieur, je ne croyais pas que les choses allaient changer. J'ai répondu que je n'avais pas vraiment le choix. En tant qu'ancien dans la communauté noire, j'ai certaines responsabilités, entre autres celles de parler publiquement de problèmes comme le racisme, qui a des effets préjudiciables sur la communauté, et de chercher des moyens de régler ce genre de problèmes. C'est une responsabilité que j'accepte volontiers en dépit des réserves que je peux avoir.

Honorables sénateurs, qu'il me soit permis d'avoir quelques réserves. Il y a trente ans à peine, il existait encore dans cette province des écoles où la ségrégation raciale était pratiquée, et les Noirs n'avaient pas le droit de se faire enterrer dans certains cimetières de la Nouvelle-Écosse. On dit que les choses ont bien changé depuis. Permettez-moi d'en douter. J'observe que des stéréotypes négatifs persistent à ce jour dans la société canadienne et dans les médias à l'égard des minorités visibles. L'accès à certains emplois reste subrepticement plafonné. Les membres des minorités visibles continuent de se faire traiter de nègres, de chinetoques, de sales Pakistanais, et de Viets. Je ne suis donc pas persuadé que les choses aient effectivement beaucoup changé. Ce qui nous ramène aux questions que je me pose depuis toujours, à savoir si la société canadienne finira jamais un jour par acquérir de la maturité, et quand les Canadiens commenceront à se traiter avec respect les uns les autres.

La réponse n'est pas dans un projet de loi - c'est évident. Nous avons la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur la citoyenneté canadienne. Ces trois textes garantissent l'égalité devant la loi et interdisent la discrimination pour des raisons d'origines raciales, nationales ou ethniques, ou encore pour des raisons de couleur de peau. Nous avons toutes ces lois, et bien d'autres encore. Pourtant, les préjugés et le racisme persistent. Les réformistes soutiennent haut et fort que les minorités visibles devraient être reléguées à l'arrière-plan, cachées. L'administration publique fédérale emploie beaucoup trop peu de minorités visibles, sous le prétexte qu'on ne saurait précipiter un projet de cette envergure. Des membres de groupes sectaires publient régulièrement des documents tendant à susciter l'intolérance raciale et ethnique, la violence et bien d'autres sentiments hostiles.

Honorables sénateurs, la véritable solution au problème du racisme et des préjugés réside dans l'éducation et les échanges. Les gens doivent apprendre à se connaître. Ils doivent vaincre leurs peurs mutuelles. Pour cela, il leur faut de l'information. C'est l'information qui permet d'éliminer les soupçons et les stéréotypes. Elle établit des liens entre les membres de la collectivité et favorise une meilleure compréhension. Toutefois, l'information à elle seule ne peut régler tous les problèmes. Il doit y avoir un engagement. Il faut que tous soient convaincus que les minorités visibles ont droit à tous les avantages de la citoyenneté. C'est cela qui est au coeur du problème. Je crois qu'il revient en partie au gouvernement fédéral de favoriser cet engagement. Une partie de sa responsabilité consiste à nous conduire, en tant que pays, vers l'harmonie et le respect mutuel. C'est au gouvernement de tracer la marche à suivre. Cependant, il ne le fait pas.

Le premier ministre et son Cabinet ont décidé de ne pas tenir compte de la question des minorités visibles. Ils font comme si elle n'existait pas. Quand ils ne tiennent pas compte de cette question dans le discours du Trône, c'est comme s'ils disaient que les minorités visibles, ce n'est pas important.

(1600)

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur, mais son temps de parole est écoulé. Aurait-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: Merci, honorables sénateurs.

Leurs problèmes ne méritent pas notre attention. Trouver des solutions pour éliminer le racisme, les inégalités et la discrimination, ce n'est pas une priorité nationale. De toute évidence, je ne peux être d'accord avec cette attitude, et c'est cette opposition qui me pousse à intervenir au Sénat aujourd'hui.

En terminant, honorables sénateurs, je dirai que, si le gouvernement ne veut pas s'attaquer à cette question, nous pourrions le faire ici. Vu la diversité des connaissances et la riche expérience des sénateurs, je suis convaincu qu'un débat sur la place des minorités visibles au Canada donnerait lieu à de précieux témoignages. Si nous désirons ensuite poursuivre l'étude de la question, un sous-comité du comité des affaires sociales pourrait être formé à cet effet. Son mandat pourrait comporter une tournée du pays pendant laquelle il recueillerait et compilerait les opinions les plus à jour sur l'emploi au sein des minorités visibles. On pourrait aussi former un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat pour assurer un suivi aux conclusions du comité Daudlin de 1984. Vous vous souviendrez que ce comité avait étudié la participation des minorités visibles à la vie de la société canadienne.

Quelle que soit la route empruntée, honorables sénateurs, nous ne devons pas suivre l'exemple du gouvernement en restant muets. Les membres des minorités visibles sont des Canadiens. Ils méritent d'être traités comme des Canadiens.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je tiens à féliciter les sénateurs qui ont présenté et appuyé la motion d'adoption de l'Adresse en réponse au discours du Trône car ils ont tous deux parlé avec éloquence au nom de leurs provinces et régions. Ils ont souligné d'excellentes initiatives présentées dans le discours du Trône. Parmi les plus importantes, je crois qu'il faut mentionner l'annonce d'une mesure législative créant les Instituts de recherche en santé du Canada et la promesse d'un meilleur financement de la recherche. Le financement de la recherche et la méthode choisie pour assurer ce financement peuvent avoir un impact sur la vitalité même d'un pays et déterminer l'avenir de son économie et de son système de santé, ainsi que le bien-être de ses citoyens.

Bien que je sois satisfaite du discours du Trône, je tiens à commenter brièvement une de ses lacunes. C'est ce que le prix Nobel John Polanyi appelait la «commercialisation de la science». Lors d'une récente allocution devant la Société royale, il a critiqué cette tendance en affirmant qu'elle ruine les universités canadiennes et pousse les plus brillants scientifiques du pays à s'expatrier. Il aurait pu ajouter que cette tendance contribue aussi à l'effondrement de la fonction publique qui fut, à un moment donné, davantage centrée sur le meilleur intérêt des consommateurs et de la population que sur les préoccupations des sociétés.

Le lauréat du prix Nobel s'en est pris à la politique de financement de la recherche des gouvernements fédéral et provinciaux, qui ont fait des universités des succursales de l'industrie. Le Canada est allé trop loin, a-t-il dit, en choisissant la recherche industrialisée aux dépens de la recherche systémique ou fondamentale. L'établissement de programmes d'adéquation des financements et de partenariats a forcé les chercheurs à obtenir des fonds de l'industrie pour avoir droit à des fonds publics. La recherche de produits à commercialiser a été mise sur le même pied que l'enseignement et la recherche fondamentale.

Il s'ensuit que les universités pâtissent, car on leur enlève les raisons mêmes pour lesquelles la population les apprécie, à savoir leur intégrité et leur indépendance absolues. L'exode aux États-Unis de scientifiques et de chercheurs de premier plan est aussi le résultat, du moins en partie, de cette politique peu judicieuse car, assez étrangement, les États-Unis se sont tenus à distance de cette industrialisation de la recherche. Aux États-Unis, seulement 6 p. 100 de la recherche universitaire sont financés par le secteur privé. Ce sont 3 p. 100 en France, 2 p. 100 au Japon et 12 p. 100 au Canada.

J'espère que l'initiative annoncée dans le discours du Trône à l'égard des Instituts de recherche en santé amènera un changement des valeurs sur ce point.

Par ailleurs, le discours du Trône ne fait aucunement mention de la crise agricole, une crise que le Sénat a reconnue en tenant un débat d'urgence le 3 novembre. Le discours montre qu'on ne fait aucun cas des hommes et des femmes qui nous assurent des aliments de haute qualité. Les agriculteurs ont affiché cette année des récoltes records ou presque. En Saskatchewan seulement, ils ont produit 27,8 millions de tonnes de céréales, d'oléagineux et de cultures spéciales. Et pourtant, leur gagne-pain et leur mode de vie sont menacés en partie sinon totalement parce que les subventions fédérales ont été réduites à une fraction de ce que les gouvernements européens et américain donnent à leurs propres producteurs céréaliers. Le Canada ne subventionne pas ces producteurs agricoles.

Les simples statistiques dont dispose maintenant l'OMC montrent que nos producteurs de lait, de boeuf et de porc sont beaucoup plus subventionnés que leurs homologues américains. Les producteurs laitiers, par exemple, voient leur coût de production couvert à 59 p. 100 par les subventions fédérales. Pour les producteurs de boeuf, ce sont 12 p. 100 de leur coût de production qui sont subventionnés par le gouvernement, soit trois fois plus qu'aux États-Unis. Et pourtant, ce ne sont que 10 p. 100 pour les producteurs céréaliers, ce qui ne représente pas le tiers des subventions accordées aux États-Unis.

Si le silence du discours du Trône était cruel, la réponse du gouvernement à la crise dans les semaines qui ont suivi évoquait le «silence des agneaux». Les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan, qui sont venus à Ottawa, ont été sommairement renvoyés. Le ministre fédéral de l'Agriculture a annoncé qu'un montant supplémentaire de 170 millions de dollars serait ajouté au Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole, communément appelé ACRA. Ce chiffre représente moins de 15 p. 100 de ce que les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan jugeaient nécessaire.

En liant l'aide au programme ACRA, le ministre exigeait que les provinces contribuent à hauteur de 40 p. 100. Au Manitoba, les agriculteurs ne verront pas un sou de cet ajout évalué à 67 millions de dollars à moins que le gouvernement provincial ne verse 26 millions de dollars. Ce printemps, le gouvernement manitobain a dégagé 79 millions de dollars pour venir en aide aux agriculteurs victimes d'inondations. Il dit maintenant qu'il n'est pas en mesure de verser sa quote-part. La Saskatchewan trouve également l'arrangement impraticable et songe à se retirer du programme ACRA.

Même si les provinces pouvaient contribuer encore davantage, le problème, c'est qu'à l'évidence, le programme ACRA est loin d'être à la hauteur. En date du 25 octobre, le programme n'avait déboursé que 227 millions de dollars, soit moins de 13 p. 100 de ce que le ministre qualifie de mesure d'aide de 1,78 milliard de dollars. Comme il a été déjà mentionné dans cette enceinte, plus de la moitié des demandes faites par les habitants du Manitoba et de la Saskatchewan ont été rejetées. Voici ce que Morris Dorasch dit à ce propos dans Agri-Week:

Lorsqu'il paie, le programme ACRA offre un financement aux mauvaises personnes, pour les mauvaises raisons et de la mauvaise façon.

J'aimerais reprendre un point qui a été soulevé au cours du débat d'urgence. Les agriculteurs doivent obtenir de l'argent avant Noël. S'ils n'en obtiennent pas, ils ne seront pas en mesure d'ensemencer au printemps. C'est aussi simple que cela. On peut leur offrir de l'aide de toutes sortes de façons, que ce soit par le compte du revenu net, les taxes ou la réduction législative des tarifs de transport que les agriculteurs doivent payer et qui devraient, d'après des études, être réduits d'au moins 5 $ la tonne.

Le ministre des Finances nous a confirmé que l'argent ne manque pas. Le problème se trouve donc au niveau de la volonté politique. C'est pourquoi les organismes de l'Ouest essaient de persuader le premier ministre de venir constater par lui-même les conséquences de cette crise en rendant visite aux secteurs agricoles de l'Ouest. Les éditorialistes rappellent au premier ministre actuel ces paroles du premier ministre Trudeau qui a non seulement dit: «Pourquoi devrais-je vendre votre grain?», commentaire qui, à mon avis, a été repris hors contexte, mais également cette remarque moins connue au sujet de l'agriculteur des Prairies:

Il a droit à la même protection de la part du gouvernement du Canada que les autres producteurs obtiennent dans d'autres pays avec lesquels il est en concurrence.

Aujourd'hui, nos producteurs de blé obtiennent moins du tiers des subventions dont jouissent leurs concurrents en Europe. Le leader du gouvernement au Sénat a reproché aux provinces de refuser de contribuer davantage au programme ACRA. Je dois faire remarquer qu'aux États-Unis aussi bien qu'en Europe, c'est le palier le plus élevé de gouvernement qui finance les subventions. Aucun État américain n'offre de programmes de subventions agricoles qui vaillent la peine d'être mentionnés. Le superbudget de l'Union européenne est celui qui s'applique aux subventions agricoles.

Des milliers d'agriculteurs et leurs familles sont forcés de quitter la terre, et on nous dit que c'est la conséquence inévitable du progrès technologique, mais l'industrialisation dans ce secteur n'est pas inévitable et ne constitue pas un progrès. Le temps est peut-être venu pour les agriculteurs d'exprimer leur propre message dur. Acheter des intrants qui font augmenter la production et les recettes du Canada en devises étrangères grâce aux exportations, mais non le revenu net des agriculteurs, c'est une mauvaise affaire qui n'accorde aucune valeur aux initiatives et au labeur des agriculteurs.

Le problème de la famille d'agriculteurs est résumé dans un article que j'ai reçu dernièrement de mon intrépide leader. Je voudrais en lire un passage:

Jusqu'à tout récemment, la plupart des gens dans le monde étaient nourris par les petits agriculteurs qui produisaient divers aliments de base pour approvisionner les communautés locales et les marchés locaux. Mais avec les règles de l'OMC, les petits agriculteurs disparaissent. Dans une grande partie du monde (y compris aux États-Unis), des sociétés internationales ont pris en main d'autres éléments de l'agriculture et utilisent beaucoup de produits chimiques et maintenant la biotechnologie. Les petites exploitations ont cédé la place à d'immenses étendues de monocultures de luxe destinées à l'exportation. Aujourd'hui, le repas ordinaire des Européens et des Américains est composé d'aliments qui ont parcouru environ 1 500 milles entre le lieu de production et celui de la consommation. Et tout ce transport de denrées alimentaires détériore l'environnement. Tout ce transport d'aliments par bateau, par camion ou par avion aux quatre coins de la planète fait augmenter la consommation d'énergie, aggrave la pollution des océans et de l'atmosphère et contribue aux changements climatiques [...]. Il faut plus d'emballages, ce qui entraîne une plus grande exploitation des forêts. Il faut de nouvelles infrastructures. Et, de toute façon, les aliments produits industriellement sont moins sains, contiennent des produits chimiques qui polluent le sol et l'eau et posent des problèmes de santé publique.

Par conséquent, ne pas protéger l'exploitation agricole, c'est sacrifier une ressource précieuse. D'ailleurs, l'exploitation agricole n'est plus petite. Au Canada, elle peut faire de 10 000 à 20 000 hectares.

(1610)

Le sénateur Carstairs a parlé avec beaucoup d'éloquence du Programme d'action national pour les enfants et de l'importance de l'éducation dans la petite enfance. Je lui dirai simplement que, si elle veut proposer une nouvelle fois une modification au Code criminel sur les châtiments corporels, je serai heureuse d'appuyer une telle modification. Lorsque je siégeais au conseil scolaire, au Manitoba, nous avons éliminé ces châtiments dans le règlement.

Permettez-moi de dire un mot au sujet d'autres éléments du programme qui ne se concrétiseront peut-être pas rapidement. Ainsi, en juin 1997 et pendant la campagne électorale, il a été dit qu'un nouveau gouvernement libéral établirait des centres d'excellence pour assurer le bien-être des enfants et débloquerait un financement de 20 millions de dollars sur cinq ans. Une trentaine de mois plus tard, aucun centre n'a encore été mis sur pied.

La question des garderies est encore plus importante. Je voudrais parler de deux rapports récents pour nous rappeler pourquoi nous ne devons pas négliger les services de garde et pourquoi nous avons besoin d'un système national. Le premier rapport a été présenté au premier ministre de l'Ontario par J. Fraser Mustard et Margaret McCain. Il contient plusieurs bons arguments. Le premier, et le sénateur Carstairs y a fait allusion, ce sont les nouvelles preuves neuroscientifiques qui établissent que les trois premières années de vie de l'enfant ont des répercussions sur sa capacité d'apprentissage, son comportement et sa santé durant toute sa vie. Ne pas donner à l'enfant un bon départ dans la vie, c'est ce qui crée le véritable déficit de matière grise au Canada, pas l'exode des cerveaux. Deuxièmement, le rapport fait ressortir que les investissements publics dans les programmes s'adressant aux très jeunes enfants sont aussi importants que les investissements dans l'éducation primaire, secondaire et supérieure et dans la santé. Troisièmement, le rapport établit que les collectivités réussissent très efficacement à intégrer les programmes provinciaux et fédéraux au niveau local.

Ce rapport, comme beaucoup d'autres avant lui, rappelle aux dirigeants politiques que, s'ils négligent les services de garde, ils le font aux risques de la société. Le deuxième rapport, intitulé: «Les enfants d'abord», est un rapport prébudgétaire préparé par le Conseil national du bien-être social. Il porte sur les données économiques. Il demande au gouvernement fédéral d'investir 3,5 milliards de dollars dans un système national de garderies de qualité et abordable en partenariat avec les parents et les gouvernements provinciaux et territoriaux. Que rapporterait un tel investissement? Selon le rapport:

De nombreux programmes sociaux soutiennent les familles, mais les services de garde constituent l'armature de tous ces programmes. Les services de garde sont le programme qui recoupe à la fois la sécurité du revenu et les services. On a démontré à maintes reprises que les services de garde sont l'élément essentiel de la participation des parents, surtout des mères, à la population active. L'amélioration de la participation des mères à la population active est essentielle si l'on veut réduire la pauvreté infantile.

Michael McCracken, d'Infometrica, est allé encore plus loin et a calculé le nombre d'emplois pouvant être créés. Une réduction d'un milliard de dollars des impôts sur le revenu des particuliers créerait approximativement 9 000 emplois au coût de 96 000 $ par emploi. Un milliard de dollars consacré aux services de garde créerait 46 000 emplois à un coût de 8 300 $ par emploi. C'est d'ailleurs un calcul assez triste parce qu'il montre que les travailleurs de garderies ne gagnent pas assez cher. Cependant, ce sont là des faits bruts.

La journaliste Linda McQuaig nous dit que Santé Canada a élaboré un projet de programme national de garderies. Cependant, il semble que le gouvernement du Canada ne défende pas ce programme avec beaucoup de vigueur et qu'il n'en fait pas la promotion.

De plus, il n'est pas fait mention dans le discours du Trône de la protection de la santé des enfants contre les menaces environnementales. Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous savons que les incinérateurs municipaux, certaines industries et les gens qui font brûler du bois traité émettent des dioxines dans l'environnement. Nous savons que des traces de cette substance chimique très toxique se trouvent dans nos aliments. Pis encore, on en trouve dans le lait maternel à des niveaux quarante fois supérieurs à la concentration dans un steak. Par suite de la parution récente d'un rapport aux États-Unis, nous savons que les concentrations de dioxines dans le lait maternel au Canada sont supérieures à celles que l'on trouve aux États-Unis.

Une occasion en or s'est présentée, évidemment, au cours du débat sur le projet de loi C-32, pour veiller à ce que les dioxines soient progressivement bannies et convaincre les municipalités, les gouvernements provinciaux et les entreprises de modifier leurs processus industriels. Le gouvernement a également raté l'occasion de faire preuve de leadership en négociant un traité international d'interdiction des dioxines afin que les Canadiens soient protégés contre le transport atmosphérique sur de longues distances des dioxines et d'autres produits chimiques persistants. Cependant, il n'est pas trop tard - on peut toujours agir.

Dans le discours du Trône, il est dit que des mesures seront prises sur les pesticides. Ces mesures se font attendre depuis longtemps, car il existe maintenant quelque 6 000 produits formulés qui sont enregistrés au Canada. Or, comme le vérificateur général l'a souligné, aucune donnée n'est recueillie sur l'utilisation des pesticides et nous ne connaissons pas non plus quels sont tous leurs ingrédients, car seuls les ingrédients actifs doivent être officiellement enregistrés, alors que les huiles ou solvants toxiques utilisés comme autres composantes demeurent secrets. Les effets des pesticides sur les enfants ne sont pas mesurés. Seuls les effets sur les adultes le sont.

Son Honneur le Président suppléant: Je regrette d'interrompre le sénateur, mais son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Spivak: Puis-je terminer mes observations, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président suppléant: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Spivak: Il ne s'agit là que de quelques-unes des lacunes de la Loi sur les produits antiparasitaires de 1969, qui est gravement dépassée. Il y a cinq ans, le gouvernement a rendu public le «livre mauve», dans lequel il a proposé un nouveau système réglementaire, reconnaissant le conflit d'intérêts inhérent d'Agriculture Canada, qui agit à la fois comme promoteur et comme organisme de réglementation des produits antiparasitaires. Le pouvoir de réglementation a été transféré au ministre de la Santé. Cinq ans plus tard, aucune loi n'a encore été présentée. Comme le dirait T.S. Eliot, peut-on s'attendre à ce que rien ne vienne s'interposer entre la pensée et l'action?

Fait ironique, si le gouvernement a reconnu le conflit d'intérêts qui existait dans le cas des pesticides, il refuse de le voir dans le cas de la sécurité alimentaire et de l'environnement. L'Agence canadienne d'inspection des aliments, par exemple, promotrice de la biotechnologie, s'est trouvée en situation de conflit lorsqu'elle s'est vu confier, par le projet de loi C-32, la responsabilité de l'évaluation de l'impact sur l'environnement de la manipulation biologique des plantes et des animaux. C'était logiquement le rôle d'Environnement Canada.

L'autre question dont je voudrais parler brièvement, c'est celle du changement climatique. Le discours du Trône dit que le gouvernement travaillera avec les autres ordres de gouvernement pour respecter l'engagement pris par notre pays à Kyoto. Pour ceux qui auraient besoin qu'on le leur rappelle, l'engagement pris à Kyoto était une façon pour les pays, y compris le Canada, qui n'avaient pas respecté les engagements pris à Rio de sauver la face. Voilà près d'une décennie que les pays ont convenu de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le Canada, entre autres pays, n'a encore établi aucun plan.

Ce que je veux dire est très simple. Des ministres de l'Environnement de petits États insulaires du Pacifique, où le changement climatique a fait des ravages au Tonga, un archipel de 175 îles, ont déclaré à Genève au début du mois que ces deux dernières années, l'eau potable a été contaminée par la montée du niveau de la mer. Ces États doivent donc importer l'eau, leurs plages sont détruites et des villages entiers ont été obligés de quitter les régions côtières. Le message, c'est celui-ci: nous ne pouvons pas perdre de temps à discuter de la façon de tenir nos engagements.

Le coût des dégâts causés par les catastrophes naturelles dans le monde double tous les cinq à dix ans. En 1960, ils se chiffraient à moins de 10 milliards de dollars par an. À présent, ils se chiffrent à plus de 70 milliards. L'an dernier, les compagnies d'assurances au Canada ont dû payer 1,5 milliard de dollars. Vous pensez bien que ce n'est pas passé inaperçu dans l'industrie, qui demande maintenant au gouvernement de mettre de côté 150 million de dollars par an pour aider les collectivités à construire une infrastructure capable de résister aux catastrophes naturelles.

(1620)

Honorables sénateurs, j'ai abordé bien des questions dans le peu de temps dont je dispose, mais j'espère qu'un thème, un message est ressorti: le gouvernement a fait des promesses aux Canadiens et, pour paraphraser Robert Frost, il y a des promesses à tenir, et beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir dormir.

[Français]

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, je veux d'abord rendre hommage aux honorables sénateurs qui m'ont précédé dans cette Chambre et qui ont parlé sur l'Adresse en réponse au discours du Trône. Je viens du pays de Réal Caouette, leader regretté de l'ex-Ralliement créditiste. J'ai mené ma carrière d'avocat en Abitibi. Je me suis même mesuré, lors d'une élection fédérale, et cela pour mon plus grand malheur, à Gilles, le fils de Réal, comme on l'appelait tous là-bas.

Aujourd'hui, il reste 38 jours avant d'ouvrir le champagne que beaucoup dégusteront le 31 décembre pour fêter, à minuit, le passage dans un autre siècle et un autre millénaire. Pourtant, les fruits importés des États-Unis à gros prix, qui garniront le plateau, rappelleront à plusieurs qu'ils ne peuvent plus voyager autant qu'avant à l'extérieur du pays. En effet, le dollar canadien a chuté du tiers de sa valeur depuis les années 70, dont une bonne partie durant les trois dernières années.

Les employés ordinaires sont payés en dollars canadiens. Leurs patrons, qui exportent davantage aux États-Unis, voyagent. Pendant que les bien-nantis profitent, les petits sont au régime car leur salaire vaut 50 sous pour chaque dollar gagné par les Américains, et ils doivent payer 1,50 $ pour chacune de leurs importations en provenance des États-Unis.

Je sais que l'on va me dire: «Tu viens de l'Abitibi. Caouette, sa machine à piastres, tu veux la faire tourner, toi aussi.» Eh bien, non! D'un côté, il n'est pas question de saturer le marché artificiellement de devises. Mais de l'autre, je constate que le discours du Trône n'apporte rien à ceux qui s'inquiètent de la santé de notre dollar.

Le gouvernement donne très peu de signes de vouloir venir à la rescousse de notre huard malmené, qu'il maintient à un niveau extrêmement faible par rapport à la devise américaine, se contentant d'affirmer: «C'est bon, si notre dollar est bas, nos entreprises pourront exporter davantage.»

Le gouvernement ne semble guère s'énerver. L'an dernier, le premier ministre se limitait à déclarer que ce n'est pas grave si les touristes canadiens ne peuvent se rendre aux États-Unis, puisqu'ils iront au Nouveau-Brunswick.

Je suis bien en faveur des Canadiens touristes chez eux d'abord. Je reconnais qu'une économie bien gérée commence par soi-même, mais je tiens à dire que je n'aime pas non plus l'espèce de résignation qui consiste à dire que si les Canadiens peuvent aller au Nouveau-Brunswick ou, à ce compte-là, partout ailleurs au Canada, ils n'ont pas à se plaindre. Quelle inspiration et quel dynamisme trouve-t-on dans le discours du Trône? La réponse est simple: des parcelles et des miettes.

Le gouvernement, d'une part, axe son programme sur l'amélioration de la qualité de vie et sur les jeunes, mais, d'autre part, ces énoncés ne dépassent pas les bonnes intentions.

Les jeunes veulent non seulement visiter le Canada, le Nouveau-Brunswick et toutes les autres provinces, ils veulent d'abord obtenir des emplois. Pour en créer, il faudrait réduire les impôts. Or, chaque fois que l'on interroge le premier ministre et ses ministres à ce propos, ils trouvent toujours des raisons pour retarder le moment d'agir.

Au contraire, le Canada tolère un taux de chômage élevé par rapport à celui de notre voisin du Sud, un fardeau fiscal accablant, une disette de liquidités et une absence d'emplois pour les jeunes. Comble de tout, nos cerveaux les plus talentueux émigrent aux États-Unis pour deux raisons: des meilleurs salaires, parce que payés en argent américain, et moins d'impôts à payer. Il y a également de nombreux cerveaux étrangers qui refusent de travailler au Canada pour les mêmes raisons.

[Traduction]

Peter C. Newman, un grand écrivain et observateur érudit, a écrit pendant des décennies sur l'économie canadienne. Dans un article publié dans la section affaires du Ottawa Citizen du 17 novembre 1999, M. Newman a dit que le président de Nortel Networks, John Roth, avait raison lorsqu'il a déclaré récemment que le taux d'impôt sur le revenu des particuliers en vigueur au Canada provoque l'exode aux États-Unis des universitaires les plus compétents et brillants de notre pays. M. Newman a dit que, dans le dernier numéro de l'Ivey Business Journal de la University of Western Ontario, John Roth a comparé cette perte à celle de Gretzky de la haute technologie. Qui plus est, selon M. Roth, seulement 28 des 400 cadres supérieurs de Nortel habitent au Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, vous avez certainement reçu hier, tout comme moi, un communiqué du Cercle national des journalistes, pour nous annoncer que celui dont je viens de vous parler, John Roth, président et chef de la direction de Nortel Networks, donnera une conférence mercredi, le 1er décembre 1999, à Ottawa. Le thème de sa conférence est le suivant: «Pourquoi le Canada perd-t-il non seulement ses plus grands talents et ses postes les mieux rémunérés, mais aussi ses chefs de file de l'industrie?»

Donc, sur un certain plan, le gouvernement répand une demi-vérité. Nous vendons 85 p. 100 de nos exportations aux États-Unis et un dollar faible nous avantage à ce niveau. Mais le revers de la médaille, c'est que le gouvernement escamote et refuse de révéler que nous achetons aussi 75 p. 100 de nos importations des États-Unis et que nous devons payer presque 1,50 $ canadien pour chaque dollar américain. Ces baisses cycliques du dollar engloutissent des montants extrêmement importants de notre avoir.

Des États-Unis, au cours des six premiers mois de 1999, nous avons importé pour 25,8 milliards de dollars en véhicules automobiles, pièces de rechange et matériel roulant, ainsi que pour près de 22 milliards de dollars en bouilloires et machinerie mécanique pour la grande industrie. Une autre composante essentielle de nos importations est l'équipement électrique et les appareils d'enregistrement pour lesquels nous avons versé 11,7 milliards de dollars aux États-Unis en six mois.

Durant cette période, les plastiques ont totalisé 4,5 milliards de dollars, les accessoires d'optique près de 3,9 milliards de dollars, les produits du carton et du papier 2,3 milliards de dollars, et les magazines, journaux et imprimés, 1,3 milliard de dollars. Et tout cela, payé avec notre faible dollar. Selon une autre étude, le prix des magazines américains vendus au Canada a augmenté de 17 p. 100 au cours de la dernière année.

Je pourrais faire le tour de la cave au grenier, de la maison à l'usine. Je relève par milliers les produits américains. De plus, quand nous vendons aux États-Unis nos matières premières, dont notre fer et notre aluminium en vrac, nous les rachetons très souvent intégrées dans les produits finis, en versant une double pénalité si notre dollar est faible.

Dans notre garde-manger, le prix des fruits et des légumes, en majorité d'importation américaine, a augmenté de 30 p. 100 depuis 1992, alors que celui des céréales a augmenté de presque 25 p. 100.

Nous glorifions notre voisinage avec les États-Unis pour décrire notre mode de vie, semblable au leur, et en même temps nous nous servons des États-Unis pour nous distinguer, réaffirmant à qui veut l'entendre notre identité propre. Le commerce au détail, le transport aérien, les sports, - avons-nous assez entendu parler des problèmes du hockey majeur au Canada - la recherche scientifique, les arts, la télévision, la culture et l'édition nous prouvent que nous résistons mal à l'attrait américain.

(1630)

Nous tardons à réformer notre régime fiscal et nous en payons le prix. Nous nous plaisons à ne pas voir que notre programme d'éducation doit être réformé si nous voulons rattraper les nouveaux États en émergence: nous payons aussi le prix de ce retard. Maintenant que nous traversons des années plus difficiles imposées par la compétition mondiale, nous sommes condamnés à rembourser notre dette nationale, un peu comme une hypothèque énorme que nous avons laissée accumuler sur notre maison.

Le gouvernement a dit, jusqu'ici, que le taux de change faible du dollar canadien favorisait les exportations. C'est vrai en partie. Mais là où je suis plus ou moins d'accord avec la position du gouvernement, c'est quand il semble dire que si le dollar canadien se trouve à 65, 68 ou 70 cents par rapport à la devise américaine, nous allons exporter plus et que nous ne devrions pas nous plaindre. Cette faiblesse du dollar créée un élément d'instabilité des plus néfastes.

Il me semble important de souligner sous un autre angle que les Américains non seulement visitent notre pays, mais qu'ils sont aussi en train de l'acheter comptant, à la pièce et en bloc, bien qu'il ne soit pas à vendre. Ils font main basse sur nos entreprises parce que leur prix est ridiculement bas en raison de la piètre santé de notre dollar, pardonnez-moi, plus faible même que «la piastre à Caouette».

Ils sont nombreux, en effet, nos talents qui ont émigré aux États-Unis. Robert Mundell, lauréat du prix Nobel d'économie de 1999, est un de ceux-là. Dans un article de La Presse du 16 octobre dernier, on fait dire à M. Mundell que la perte du tiers de la valeur du dollar canadien depuis 25 ans équivaut à une réduction nationale de salaire. Le réputé économiste qualifie une telle dévaluation de stupidité. Il propose en outre, au Canada, d'abandonner sa politique de fluctuation monétaire et d'adopter un taux de change fixe avec le dollar américain. Richard Harris, professeur d'économie à l'Université Simon Fraser de la Colombie-Britannique, appuie cette fixation et s'inscrit dans la nette minorité qui n'y voit que des avantages.

Un tel blocage ne crée pas l'unanimité. N'étant pas économiste, je ne veux rien recommander. Toutefois, je sais que les hausses et les baisses du dollar provoquent des enrichissements instantanés. Combien de nos citoyens, qui ont moins de flair pour détecter les humeurs de la météo économique, s'appauvrissent également! Je ne peux pas penser aux premiers sans éprouver de la tristesse pour les seconds. Ces variations subites et prononcées du huard ont un mauvais effet psychologique.

En effet, dois-je rappeler que 85 p. 100 de nos exportations vont aux États-Unis, mais que 75 p. 100 de nos importations en proviennent aussi? Que l'on ne dise pas que, pourvu que le Canada exporte, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Je pose une autre question. Les Américains achètent à profusion nos industries et nos commerces, c'est bien connu, de nos salons funéraires au Québec jusqu'à MacMillan Bloedel, en Colombie-Britannique - dont nous a parlé dans ce dernier cas le sénateur St. Germain. Je pense à Imasco qui, il y a à peine quelques jours, a vendu Pharmaprix au Québec et Shoppers Drug Mart ailleurs au Canada. Les titres de propriété canadienne disparaissent à vue d'oeil. Supposons que la situation économique se corse et que le marché se raréfie: où pense-t-on que les nouveaux propriétaires américains vont fermer des entreprises? Je parie que ce sera au Canada. Pensons à l'usine de montage d'automobiles de GM à Boisbriand, établissement maintenu sous respiration artificielle depuis 10 ans et où les employés parlent constamment de leur crainte d'une fermeture imminente.

Le Canada jouit d'une prospérité enviable, mais il joue sur la corde raide. C'est parce que notre pouvoir d'achat collectif a diminué depuis quelques années, que nous avons perdu des emplois, que nos jeunes s'inquiètent de leur avenir et que nous lisons des messages d'inquiétude dans les médias que j'ose tirer la sonnette d'alarme.

Un pas d'audace plus loin, je sais que certains proposent au Canada de suivre l'exemple de l'Union européenne et d'adopter une devise commune qui serait le dollar américain. Honnêtement, nous n'en sommes pas là. Je crois qu'une immense majorité d'entre nous, Canadiens de l'une ou de l'autre langue, avons trop investi dans notre avoir national pour renier notre identité. C'est pour cette raison que nous refusons de nous fondre, sans distinction, sous le drapeau américain.

Ce sont les réflexions, honorables sénateurs, que m'inspire le récent discours du Trône. J'espère que le gouvernement précisera les avenues qu'il entend suivre dans son programme, mais qu'il le fera surtout par des mesures concrètes.

Ces mesures seules permettront au Canada de conserver sa réputation. Honorables sénateurs, je suis sûr que c'est le souhait de tous les membres de cette Chambre. Tous, nous voulons léguer à nos enfants un pays en pleine prospérité. Ce sera seulement une action de fermeté et de dynamisme qui accroîtra le rendement de notre économie.

Maintenant que le gouvernement semble avoir dominé l'inflation et avoir mis fin depuis deux ans à la politique des budgets déficitaires, tolérer un dollar canadien au niveau de 66 cents américains est inadmissible. La persistance de cette politique ne peut que nous mener sur la voie des interrogations.

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1630)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'examen du projet de loi précédent pour l'étude du projet de loi S-6

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino:

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au Comité, lorsqu'il aura été constitué, pour la présente étude du projet de loi S-6.-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le sénateur Cools a cédé sa place et je souhaite prendre la parole. Pour conclure le débat sur cette motion, je voudrais vous renvoyer au...

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'hésite à interrompre le sénateur Oliver, mais le débat doit être ajourné au nom du sénateur Cools. Si le sénateur Oliver décide de le clore, l'honorable sénateur n'aura pas la possibilité de s'exprimer.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Oliver a bien dit qu'il s'était entendu avec le sénateur Cools là-dessus. N'est-ce pas exact?

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, le sénateur Cools est venu me voir aujourd'hui pour me dire qu'elle s'attendait à ce que j'intervienne et qu'elle me cédait son tour, puisque le débat avait été ajourné en son nom. Mais si le sénateur le préfère, je suis disposé à attendre.

Le sénateur Carstairs: C'est très bien, honorables sénateurs, à condition que le sénateur Cools ne veuille pas prendre la parole. Je ne tiens pas à parler maintenant et je suis entièrement disposée à écouter le sénateur Oliver.

Le sénateur Hays: Puisque le sénateur Cools a donné son accord, le sénateur Oliver peut y aller de son discours.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, pour clore le débat portant sur cette motion, je voudrais attirer votre attention sur les paragraphes 874 et 875 de la sixième édition de Beauchesne, page 250. Il y est question de la pratique en vigueur au Canada concernant les travaux d'un comité qui seraient en cours au moment de la prorogation.

(1640)

Ils disent ce qui suit:

874. Le comité qui n'a pas terminé son enquête à la fin d'une session peut faire rapport à la Chambre de ce fait, ainsi que des témoignages qu'il a entendus. Il peut en outre recommander qu'à la session suivante la Chambre lui confie le même dossier et qu'il puisse se servir de la preuve recueillie jusque-là.

875. À moins que la Chambre ne l'autorise à en tenir compte, un comité ne peut faire rapport des témoignages rendus devant un comité semblable lors d'une session antérieure, sauf sous forme d'appendice.

Il est clair que les témoignages reçus par un comité au cours d'une session précédente peuvent être renvoyés à un comité au cours d'une nouvelle session avec la permission du Sénat. Le commentaire 875 précise que c'est tout à fait acceptable. Il prévoit qu'en l'absence de l'approbation du Sénat, le comité ne peut faire rapport des témoignages si ce n'est sous forme d'appendice. Si on obtenait l'autorisation du Sénat pour que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles puisse examiner les témoignages reçus relativement au projet de loi S-17 au cours de la dernière session dans le cadre de son étude du projet de loi S-6 durant la session actuelle, le comité pourrait alors utiliser pleinement les témoignages déjà recueillis.

La pratique britannique appuie aussi la recevabilité de ma motion. La 22e édition d'Erskine May, aux pages 635 et 669, prévoit que les rapports ou les procès-verbaux de témoignages de comités précédents qui sont périmés sont fréquemment renvoyés à des comités ultérieurs et qu'on poursuit ainsi l'étude d'interpellations qui n'avaient pas été terminées à cause de la prorogation des Chambres.

En outre, plus de dix précédents ont été établis pour cette pratique au cours des dix dernières années et j'ai attiré l'attention des honorables sénateurs sur l'un de ces précédents le 3 novembre dernier.

La raison pour laquelle cette pratique est acceptable est tout à fait évidente. Comme je l'ai mentionné la dernière fois que j'ai soulevé la question au Sénat, le fait de permettre à des rapports et témoignages déjà reçus par un comité au cours d'une session précédente d'être renvoyés à un comité étudiant la même question au cour d'une nouvelle session épargne du temps et de l'argent, et c'est donc une pratique efficiente. Pourquoi exiger qu'un comité convoque à nouveau des témoins qui ont déjà comparu à ce sujet? Nous gaspillons leur temps et l'argent du contribuable. Certains de ces témoins ont comparu aux frais du Sénat et nous devrions leur demander de comparaître à nouveau, encore là aux frais du Sénat. De plus, les honorables membres du comité ont déjà consacré beaucoup de leur temps précieux à l'audition de ces témoins et à l'étude des questions. Pourquoi devrions-nous leur demander de prendre encore plus de leur temps pour entendre les mêmes témoignages? Il n'y a aucune raison pour justifier cela étant donné que des précédents ont déjà été établis pour permettre le type de motion que j'ai proposée relativement au projet de loi S-6.

J'ai aussi consulté Beauchesne afin de savoir ce qu'il dit des instructions au comité, en vue de chercher à comprendre la préoccupation soulevée à cet égard par le sénateur Cools. Les mentions pertinentes figurent aux paragraphes 681 à 685 des pages 210 et 211. Dans la 22e édition d'Erskine May, il est question des instructions aux pages 515 à 519.

Honorables sénateurs, la motion que je présente n'est pas de la nature d'une instruction telle que l'entendent Beauchesne et Erskine May. Une instruction est une motion autorisant un comité à accomplir quelque chose qui lui serait autrement interdit ou lui enjoignant d'accomplir quelque chose dont il pourrait autrement s'abstenir.

Les autorités énumèrent les genres d'instructions recevables, dont diviser un projet de loi en deux ou plusieurs nouveaux projets de loi, fusionner deux projets de loi en un seul, accorder la priorité à une partie d'un projet de loi et autoriser un comité à tenir ses réunions en divers lieux, tant au Canada qu'à l'étranger.

Les autorités discutent également des genres d'instructions irrecevables. Le paragraphe 687 à la page 212 de Beauchesne prévoit:

Est irrecevable toute instruction qui ne se rapporte pas au contenu du projet de loi ou qui va à l'encontre de son objet.

La motion que je présente n'autorise pas le comité à accomplir quelque chose qui lui serait autrement interdit. Tous les comités sont autorisés à convoquer des témoins et à recueillir des preuves. La seule chose que le Sénat autorise le comité à accomplir, c'est d'utiliser la preuve déjà recueillie par un comité à l'occasion d'une séance précédente dans le cadre de son étude d'un projet de loi.

Les autorités en matière de procédure et la pratique du Sénat montrent clairement que ma motion est recevable. La logique et l'efficience justifient que l'on continue d'y recourir.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion autorisant le comité à étudier les faits nouveaux concernant l'euthanasie et l'aide au suicide-Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs, conformément à l'avis donné le 18 novembre 1999, propose:

Que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner pour en faire rapport les faits nouveaux survenus depuis le dépôt, en juin 1995, du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide intitulé: «De la vie et de la mort», plus particulièrement que le comité soit autorisé à examiner:

1. La mesure dans laquelle ont été mises en oeuvre les recommandations unanimes présentées dans le rapport;

2. L'évolution au Canada des différentes questions étudiées dans le rapport;

3. L'évolution à l'étranger des différentes questions étudiées dans le rapport.

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 6 juin 2000.

- Honorables sénateurs, afin que l'objectif du sous-comité soit clair pour les sénateurs, j'aimerais qu'ils comprennent que, durant la période allant de juin 1995 à aujourd'hui, quelque 10 000 exemplaires du rapport «De la vie et de la mort» ont été distribuées. Il est devenu le sujet d'un certain nombre de cours d'écoles de médecine et fait maintenant partie de leurs documents de référence pour les questions d'euthanasie et d'aide au suicide. Toutefois, je n'ai pas l'intention de réexaminer les décisions principales de cette étude liées à l'euthanasie et à l'aide au suicide. J'espère que cette étude examinera seulement les décisions prises de façon unanime.

Honorables sénateurs, à condition que la motion reçoive l'agrément du Sénat, l'étude ferait ceci. Elle ferait le point sur l'état des soins palliatifs au Canada, y compris l'état d'avancement de la mise en oeuvre des recommandations unanimes de 1995 du comité. Elle ferait le point sur l'état de la maîtrise de la douleur et des pratiques de sédation au Canada, y compris l'état d'avancement de la mise en oeuvre des recommandations unanimes de 1995 du comité. Elle ferait le point sur l'état du refus et de l'arrêt du traitement de survie au Canada, y compris l'état d'avancement de la mise en oeuvre des recommandations unanimes de 1995 du comité. Elle ferait le point sur l'état des directives avancées au Canada, y compris l'état d'avancement de la mise en oeuvre des recommandations unanimes de 1995 du comité. Elle ferait le point sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la recommandation unanime d'entreprendre des recherches concernant les demandes d'aide au suicide au Canada. Elle ferait le point sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la recommandation unanime d'entreprendre des recherches concernant les demandes d'euthanasie au Canada. Elle ferait le point sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la recommandation unanime de créer dans le Code criminel un nouveau chef d'inculpation pour meurtre au troisième degré. Elle ferait également le point, le cas échéant, sur les informations contenues dans les annexes du rapport, y compris les événements majeurs, la jurisprudence et l'évolution de la question à l'étranger.

(1650)

Honorables sénateurs, je ne pense pas qu'une aide de l'extérieur de la Bibliothèque du Parlement soit nécessaire pour réaliser l'étude de ce comité. À la bibliothèque, nous avons des recherchistes très compétents qui connaissent bien le dossier. Je recommande en outre que le comité soit formé de cinq membres. J'aimerais entamer nos travaux sans tarder - avec l'approbation du Sénat, bien sûr - de telle sorte que nous puissions présenter notre rapport le 6 juin 2000. Il ne devrait pas y avoir de déplacements, honorables sénateurs, bien que j'aimerais avoir recours à la tenue de vidéoconférences.

J'ai demandé au greffier du comité de dresser un budget, parce que la question m'intéressait toujours dans mon autre vie. Le budget pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000 devrait être d'environ 8 000 $ et, pour le reste des travaux, d'environ 3 000 $. Le coût de cet examen totaliserait environ 11 000 $.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs accepterait-elle de fournir une précision?

Le sénateur Carstairs: Oui.

Le sénateur Kinsella: Aux termes de la motion dont nous sommes saisis, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se chargerait de cette activité. Le comité ne pourrait-il pas exercer les pouvoirs dont il dispose en vertu du Règlement pour former le groupe chargé de l'examen à partir des membres faisant partie du comité?

Le sénateur Carstairs: Bien sûr. En ce moment, toutefois, il n'y a que deux membres du premier comité qui siègent au comité des affaires sociales, soit le sénateur Lavoie-Roux et moi-même. Je souhaiterais qu'aux réunions sur cette question, il y ait, outre les cinq membres du comité des affaires sociales, les honorables sénateurs Corbin, Keon, DeWare et Beaudoin. J'ai abordé la question avec ces sénateurs, et ils m'ont dit qu'ils aimeraient participer à l'examen.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'approuve les observations du sénateur Carstairs à cet égard. Il se trouve que j'utilise ce rapport sur la vie et la mort dans mes cours à l'université. J'ai découvert que les étudiants ne sont pas obligés de chercher l'information dans la documentation américaine. Les dissertations qu'ils me remettent montrent qu'ils tirent beaucoup de ce rapport. C'est un excellent rapport et on a raison de vouloir le mettre à jour. Ce faisant, nous aurons une réelle contribution permanente dans un domaine aussi critique.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Banques et commerce

Autorisation au comité d'étudier la situation du régime financier domestique et international

L'honorable Leo E. Kolber, conformément à l'avis donné le 18 novembre 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier domestique et international;

Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la première session de la trente-sixième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce Comité;

Que le Comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux;

Que nonobstant les pratiques habituelles, le Comité soit autorisé à déposer un rapport intérimaire sur ledit sujet auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat; et

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2000.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 24 novembre 1999, à 13 h 30.)


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